A la fin du tome 1, nous avions laissé l'homme d'acier refusant de voir la vérité en face. Son "allié", ce pantin hystérique et antisémite basé à Berlin, avait lancé ses millions de soldats à l'assaut de la grande Union Soviétique. On eut beau menacer de faire abattre les corbeaux de mauvais augure, la guerre était là. Et l'armée rouge n'était pas prête.
Dans ce tome 2, l'auteur reprend les mêmes personnages pour une nouvelle série d'aventures qui laisseront le lecteur à bout de souffle. Le déferlement des panzers, le chaos sur la frontière, les lignes enfoncées... Le héros pourrait s'adresser au peuple, faire face, affronter le danger... Enfermé dans le palais des antiques empereurs, il reste allongé sur le divan et sombre dans la dépression, tandis que l'ennemi se rapproche. Autour de lui, la clique incompétente fait ce qu'elle peut.
On aura droit à des images saisissantes : le dictateur se réfugiant dans les souterrains et installant son bureau dans un wagon de métro. La capitale déménagée plus à l'est. Les bombes pleuvant sur le Kremlin - palais présidentiel dépourvu du moindre bunker ! Et alors que l'ennemi approche, on continue à torturer, déporter, rechercher les traîtres.
Joukov émerge alors : un général aussi dur et cruel que son maître, le seul peut-être à avoir la moindre compétence dans l'entourage du tyran. Celui qui permettra de renverser le sort. Alors que l'ennemi n'est plus qu'à quelques kilomètres de la capitale de l'ancienne Russie, l'homme d'acier se réveille, se relève. Tenant ses comptes de chars et de divisions sur ses petits carnets d'épicier, il supervise la guerre en amateur, s'adresse à la nation et parvient à lancer celle-ci sur la longue route de la victoire.
Comme l'ennemi teutonique recule enfin, l'aura du maître grandit, il rencontre au Kremlin et à Téhéran ses alliés : le bouledogue anglais (qui lui donne du fil à retordre, mais qu'il parvient à manipuler) et le séduisant président américain en chaise roulante, avec qui il deviendra ami. La scène de la conférence en Iran, avec palais du Shah, nid d'espion, potentats ridicules et traducteurs stressés est un grand moment du livre. Pendant ce temps, de terribles trains déportent des peuples entiers vers l'est, provoquant des milliers et des milliers de morts et semant les graines des haines d'aujourd'hui...
(on notera aussi, une fois l'ennemi vaincu, une scène amusante où un certain Charles de Gaulle se rend au Kremlin pour signer un traité. L'homme d'acier veut le faire boire, l'intimider et le manipuler. L'ennuyeux et rigide Français se révèle insensible à tous ses trucs de tsar grossier.)
Le jour du défilé de la victoire, notre héros se retrouve affublé d'un titre de généralissime et d'un uniforme blanc et doré. Il ne défilera pas à cheval, trop vieux, trop maladroit.
A aucun moment la terreur ne cesse. Gare à ceux qui s'imaginent avoir sa faveur, le jeu favori du vieux tyran devient de dresser les uns contre les autres, de favoriser d'une main et de punir de l'autre, de préférence en frappant par les épouses - j'avoue avoir été ému par la relation amoureuse de Molotov et de Polina.
Le récit des monstrueuse soirées cinéma & banquet est à la fois à hurler de rire et à se tordre de terreur, où l'on voit les terribles sous-fifres chanter et danser entre hommes au rythme de musiques géorgiennes tandis que la faveur du maître va et vient...
La fin du règne verra quelques autres succès : la bombe atomique, dont la fabrication est dirigée par l'incroyable, énergique, compétent et monstrueux Béria, la rencontre avec Mao (ils ne se comprendront pas). Pour la fin, tandis que la guerre gronde en Corée, le dictateur s'occupe de ses citrons, s'intéresse aux arts et manipule tout et toute le monde, brisant des familles et des vies et tuant et déportant, déportant et tuant encore et toujours. Comme la vieillesse et la maladie le minent, il lâche la bride au vieil antisémitisme russe et par à la chasse aux juifs "cosmopolites" pour mieux fournir un adversaire et une cible à la nation. Seule un caillot sanguin mal placé mettra fin au long, au terrifiant cauchemar.
On ressort de cette biographie épuisé et lessive (même si on a parfois bien rigolé). L'auteur démontre parfaitement sa thèse. Ceux-là, le tyran et sa clique, n'étaient pas des exceptions, juste des hommes habiles, intelligents, bosseurs, lancés dans une entreprise devenue folle, qui les a tous dévorés. Tous, peut-être, sauf un, l'homme au visage grêlé et aux yeux jaunes, l'ancien séminariste georgien, celui dont le nom immortel claque encore comme un slogan. Staline !
[Mise à jour] en lisant sur le réseau d'autres critiques de ce livre, je tiens à ajouter une précision. On n'est pas là dans un livre d'analyse de haut niveau, plutôt dans une chronique à ras de terre, de bureau, de guerre, qui s'intéresse à un certain groupes d'homme ayant dirigé l'URSS. Ce point de départ fait à la fois la qualité et les défauts du livre. A bon entendeur !