04 avril 2025

Arc de triomphe - Erich Maria Remarque

Croiser ce livre à fait revenir un souvenir d'enfance : une édition livre de poche de A l'ouest, rien de nouveau, lu quelque part vers mes quinze ans sur conseil de ma maman. Le livre qui m'a fait connaître quelque chose de ce qu'a été la guerre des tranchées. Il faut bien y aller une première fois, non ? (Pour Rosa et Marguerite, ça a été le film Un long dimanche de fiançailles)

Je n'avais jamais rien lu d'autre de EMR, qui est devenu après ce bouquin un romancier à succès, est sorti uniquement avec des actrices de cinéma super belles (bon) et à fini exilé en Suisse puis aux US après que les nazis ont trouvé ses textes pas trop patriotiques et que son nom ne sonnait pas assez allemand (Il avait transformé Remark et Remarque et portait de sa propre initiative le prénom de sa maman, Maria).
Arc de triomphe est un gros roman publié en 1946, donc écrit durant le temps d'exil. Il se déroule quasi entièrement à Paris, dans le quartier de l'arc de triomphe (c'est le titre) en 1938-1939. (d'ailleurs, pour moi c'est le dernier coin du monde où sortir à Paris. Ca ne l'était clairement pas pour EMR/Ravic, qui semble y avoir eu de bons souvenirs.)




Le héros, un mec à la fois viril et sensible, se nomme Ravic. Chirurgien allemand, réfugié sans papiers, il vit dans un hôtel discret, l'international. Quand il n'opère pas au black pour Durant ou Veber (essentiellement pour rattraper des avortements ratés - ce qu'il n'arrive pas toujours à faire), il joue aux échecs avec un vieux Russe blanc et il picole, mais alors dieux qu'il picole ! (Dans le roman, c'est tout à fait normal. Il se considère même comme raisonnablement sobre).
Dans le premier chapitre il empêche Jeanne de se jeter par dessus un pont. Jeanne est un peu désaxée, intense, amoureuse.  Elle est jouée dans ma tête par Marlène Dietrich (parce qu'il paraît que Marlène, avec qui EMR avait eu une histoire, à inspiré de la personnage).
Ces deux-là vont tomber amoureux, se mettre à la colle, se quitter, prononcer des discours exagérément bien écrits sur l'amour et la passion. Elle est pénible, il est pénible, ils connaîtront quelques beaux moments et ça va partir en sucette, tragédie, tout ça.


Par ailleurs le roman porte un regard cru et assez macho sur les femmes, pas mal essentialisees, de même que sur les besoins sexuels des hommes qui semblent être un truc non discutable. On attribuera ça à l'époque.
Donc, une romance bavarde et sexiste ? Oui, un peu, quand même. Pourquoi en parler, alors ?

De nos jours, la vraie qualité de ce roman n'est pas là, mais dans son décor, son atmosphère et ses seconds rôles. Ravic est un homme détaché contemplant un monde qui part en vrille et ne sera plus jamais comme avant. Comment vivre, alors ? Que faire ? Des un pays voisin, un dictateur dingo prend des décisions dingo, et on boit des coups à la terrasse des cafés à Paris. Partout, sous nos yeux, les réfugiés des folies du monde se planquent et aimeraient se trouver un avenir pas trop sale, et les parisiens essaient de ne pas trop les voir. Les femmes s'en prennent aussi plein la figure, manipulées par des types veules ou toxiques, essaient de se créer un avenir (Rolande, la sous-maîtresse de maison de passe, Jeanne, ou bien Kate la riche américaine, ou cette touchante prostituée qui a failli mourir sous les mains d'une faiseuse d'anges, avorteuse dont Remarque fait un personnage assez touchant alors que Ravic voudrait la "punir" avant de laisser tomber). 
Autant j'ai sauté des pages de blabla amoureux entre Jeanne et Ravic, autant j'ai aimé toutes les intrigues secondaires, le gamin amputé d'une jambe qui paie une crèmerie à sa mère avec l'argent de l'assurance, le riche médecin qui perd ses moyens et fait venir Ravic une fois le patient endormi... 
Entre l'ambiance fin du monde et les personnages qui nous rappellent d'autres situations, je trouve arc de triomphe très approprié pour notre temps.


PS: un autre truc cool: Ravic a des dialogues et des punchlines qui sonnent film en noir et blanc super bien écrit des années 50.
PPS: merci à mon ami George, réfugié d'un certain pays d'Europe de l'Est très incertain, qui m'a fait découvrir ce roman.