08 décembre 2008

Mantegna – exposition au Louvre



Nous connaissions déjà ce peintre du début de la Renaissance pour ses tableaux exposés au Louvre, notamment son Saint Sébastien saisissant, avec son torse de statue antique, les ruines improbables auxquelles il s'adosse et les archers qui passent en bavardant. Mantegna a un style minéral, assez froid, très hiératique...


L'exposition vaut surtout pour la reconstitution qu'elle donne à voir de la vie d'un peintre considéré alors comme le « meilleur au monde », jeune portraitiste adulé, maître respecté, puis vieil homme un peu dépassé à la cour des Gonzague.

Elle vaut aussi pour les documents étonnants qui y sont exposés : livres d'antiquités (la documentation de Mantegna) et le book – pur parchemin – de Giovanni Bellini, pour lui permettre de frimer auprès des commanditaires...

Elle vaut enfin pour le magnifique triptyque, prédelle d'un retable exposé à Mantoue, représentant la prière au jardin des oliviers, la crucifixion et la résurrection. Influencé par les paysages flamands aussi bien que par la douceur des Vénitiens, Mantegna y trouve un très bel équilibre. (repro assez moche ci-dessous)


Carmelo, au théâtre de Nesle(s)


Grâce à l'excellent Damien, nous avons tous pu apprécier les talents de Carmelo, magicien sicilien marchant sur les traces de Buster Keaton, de Chaplin et des comiques burlesques, qui déchire et recolle les feuilles de papier journal, est entouré de chapeaux, de cordes, de ballons vivants, qui emmène sous l'eau les enfants venus le voir au théâtre de Nesle(s)


Lee Miller – exposition à la galerie du jeu de paume

Une très belle femme, au physique parfaitement classique, aux traits de statue

devenue de la muse, l'amante, l'élève de Man Ray

amie des surréalistes, adepte d'une photo surréaliste.

photographe de mode et portraitiste pour Vogue

mise en scène par Jean Cocteau dans le sang d'un poète, muse, statue, encore...

photographe, pour Vogue encore, sous les bombes du Blitz

photographe, pour Vogue, dans l'Europe libérée : en France, en Allemagne, dans les camps, jusqu'au propre appartement de Hitler...









Figaro divorce - à la comédie française


Premier des billets consacrés à notre expédition parisienne. Après avoir lu des critiques élogieuses, je nous ai pris des places pour Figaro divorce. Plusieurs points positifs : la présence d'acteurs que nous aimons bien et la mise en scène de Jacques Lassale. Le sujet même de la pièce est très attrayant : écrite dans les années 30 par un auteur chassé d'Allemagne (il faisait de l'art dégénéré déplaisant aux nazis), la pièce raconte la suite du mariage de Figaro : puisque la pièce de Beaumarchais annonçait la révolution, Odön von Horvàth place ses personnages juste après cette dernière, obligés d'émigrer et de connaître la dure vie des exilés. Le Comte Almaviva brûle l'argent des bijoux de sa femme dans les grands hôtels et Figaro se désole, avant de s'établir barbier de luxe dans une petite ville bavaroise pourrie. Quant à Suzanne, désillusionnée, elle finira serveuse dans un cabaret... et sujet d'une chanson d'amour (pas celle de Léonard Cohen, malheureusement)

Passage de la frontière... La comtesse est épuisée

L'univers de la pièce mélange les références géographiques et temporelles, créant un flou propre au rêve: on est à la fois après la révolution française et après la révolution russe, dans les années 30 et au 18ème siècle. L'auteur respecte les caractères des personnages de la pièce d'origine, tout en les faisant évoluer dans leur nouvel univers, c'est d'ailleurs peut-être pour moi une limite de la pièce : j'ai le sentiment qu'il aurait pu secouer/casser ses jouets un peu plus.

Chez les douaniers
Jacques Lassalle met en scène ces tribulations tristes comme un manège de chevaux de bois, un peu joyeux, un peu agaçant, avec des musiques un peu lourdes comme un strudel à la crème un peu rance... jusqu'au magnifique passage du cabaret, plein de tendresse, et au retour au château d'Almaviva où Figaro montre avec un immense talent comment il a choisi entre l'honnêteté et la débrouillardise...

Le comte et Suzanne au bureau de la ligue internationale d'aide aux émigrés

Les acteurs sont tous très beaux, rocailleux, blessés, créant des personnages qui titubent dans un monde qui ne veut plus vraiment d'eux... Du bon travail.

20 novembre 2008

Hibernation

Comme un ami me le faisait remarquer, ce blog hiberne un peu depuis quelques mois, pour diverses raisons familiales - plutôt heureuses, en l'occurence.
Je vais le réveiller un peu et faire un suivi rapide de mes dernières lectures, peu nombreuses, ça ira vite.

Dans l'ordre anté-chronologique : 

[BD] Putain de guerre - Tardi + Verney


J'aime bien le dessin de Tardi et son attitude grognone et bougonne et ses personnages qui n'ouvrent jamais la bouche. Sur cet album, que j'ai apprécié, je ne dirai sans doute pas mieux que les critiques parues dans toute la presse. Je note simplement que c'est un album sans histoire, sans autre narration que celle de la guerre. C'est elle, l'héroïne, le sujet du livre, nulle autre. Comment elle s'est développée, comment elle a bouffé les hommes.
Ce livre donne l'impression de lire des bribes de cartes postales envoyées du front, des extraits de journaux, tout en regardant d'affreuses photos. Ce n'est pas drôle. C'est la manière qu'on choisi Tardi et son ami historien de nous empêcher d'oublier l'affreux cauchemar.
Les notes historiques qui accompagnent l'album, avec photos, sont brèves, horribles et passionnantes.

[BD] Là où vont nos pères - Shaun Tan


Là aussi, j'imagine que je ne dirai rien de mieux que ce que d'autres ont pu dire. C'est un bel album, une nouvelle illustration de ce que peut apporter l'imaginaire pour décrire la réalité. Tout ici est clef, métaphore, image et allégorie... (pas sûr d'employer ces mots à leur juste sens). C'est TRES beau.



Les mille et unes vies de Conan - Simon Sanahujas & autres
J'ai naturellement lu ce livre... Il intéressera, voire passionera les amateurs du plus célèbre des Cimmériens. Les autres peuvent passer leur chemin, ce n'est pas ce bouquin qui les convertira à Conan. Dans le contenu de ce volume, je recommande l'article de Simon Sanahujas sur les clous rouges, excitant et stimulant (je rappelle le mal que j'ai dit de cette nouvelle ici. Je n'en pense pas moins, mais je comprends ce qu'elle peut avoir d'intéressant) ainsi que les conseils de lecture sur les frères, clones, imitateurs et sources de Conan - qui m'a donné quelques envies de lecture, les notules ayant été écrites par des connaisseurs (surtout la première...) [ami lecteur, de la publicité déguisée s'est glissée dans ce paragraphe, sauras-tu la reconnaître ?]

Fiction - Tome 4


Fiction est une très jolie revue, la couv de celle-ci est magnifique. Malheureusement, les nouvelles ne m'ont pas emballé - non qu'elles soient mauvaises... Juste qu'elles ne m'intéressaient pas vraiment. J'en retiens toutefois trois :
Miss Carstairs et le triton, de Delia Sherman : jolie, bien écrite, de facture très classique.
Terre Promise, de Steven Utley : une bonne écriture, de bons personnages, et l'impression d'un truc pas pleinement développé.
L'auteur de fantasy et son assistante, de Jeffery Ford : au début, je trouvais le texte idiot, puis, au fur et à mesure de la lecture...
J'y ajouterai :
Instruction au Sosie, de David Calvo
Que je n'ai pas relue, mais que j'avais déjà lue, et aimée, par ailleurs.

Edgar Alan Poe - la chute de la maison Usher

Je n'avais (quasiment) jamais lu Poe auparavant (ou alors il y a longtemps...). Les textes rassemblés dans ce petit recueil m'ont tout à fait séduit... surtout après avoir redécouvert Lovecraft (voir ici). Poe écrit un peu comme le Lovecraft jeune (des esprits chipoteurs prétendront sans doute que c'est l'inverse), mais en beaucoup plus romantique. J'aime cette narration malade qui tourne autour du pot, n'ose jamais dire le coeur de choses. Un type qui passe son temps à trembler de la peur d'avoir enterré vivante sa soeur/amante ne peut que m'être sympathique...

L'ombre du bourreau, T1 - Gene Wolfe


Une lecture entamée sur le conseil de cet excellent blog et de mon voisin dans le train. J'ai été tout à fait séduit par l'univers, par la qualité de l'écriture, par le traitement littéraire du monde. Malheureusement, l'histoire initiatique manque un peu d'énergie et je me suis enlisé au milieu du troisième tome. Dommage, parce que la Citadelle et ses apprentis bourreaux, le Manoir Invisible, Terminus Est et toutes ces choses là me plaisaient bien. Quel bel univers de jeu de rôle, au passage...


Inju - Edogawa Rampo


Un roman policier japonais des années 20/30, lu dans le train. Très habile, angoissant et séduisant, une bonne histoire pleine de doutes, assez flippée.

Les pilules bleues - Frederik Peeters


Message personnel : merci beaucoup à C & A qui nous ont apporté un plein chargement de BDs depuis Paris. J'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir ces albums, même si je vais dire du mal de l'un d'eux. Continuez à nous faire des cadeaux !
Les pilules bleues, donc, est un album autobiographique, racontant des choses pas faciles d'une vie pas facile - je ne dévoile pas, si vous voulez connaître l'histoire, google vous la donnera. Dessin noir & blanc, pas mal de pages, ton très libre, confession à la fois pudique et impudique... 
Le sujet est fort, touchant. Le dessin n'est pas mal. Mais l'album n'est pas bon, désolé.
J'ai l'impression que le Cinéma Français (tel que brocardé par les Guignols : la version intimiste, auteurisante, où des normaliens parlent de sexe dans une cuisine parisienne) a trouvé un équivalent en BD. Je ne doute pas de la sincérité de l'auteur, mais raconter sa vie, même pour s'aider à mieux la vivre, ne fait pas obligatoirement un bon album. Tout ça manque de recul, de fiction, de vérité, de densité, d'imaginaire. Bref, c'est un peu intéressant, et un peu chiant gloablement.

Je vois Satan tomber comme l'éclair - René Girard

La première fois que je lis ce philosophe bizarre. Le sujet du livre : une apologie rationnelle du christiannisme. J'imaginais que ce genre de texte appartenait aux siècles passés, mais non...
Le bouquin, basé sur les théories de l'auteur du mimétisme et du bouc émissaire, développe toute une théorie sur les mythes, sur la nature mythique des évangiles, sur Satan... pour distinguer l'originalité profonde du christianisme.
Girard est tellement intelligent et sûr de lui que sa théorie, totalisante, donne envie de se méfier. Mais le livre développe de nombreuses idées très intéressantes, dont une théorie rationnelle du Diable (si, si) - quand je dis rationnelle, je veux dire "sans présupposé de foi" et une analyse des mythes tardifs tout à fait passionnante. Bref, une très bonne lecture.
[petit aveu : si j'ai lu ce livre, c'est parce qu'une certaine petite fille (âgée de un an) de ma connaissance persistait à le balancer hors de la bibliothèque sous prétexte qu'il y avait un cheval sur la couverture - à force de lire le 4 de couv avant de le ranger de nouveau, je me suis convaincu de m'y attaquer.]

20 août 2008

Jeu de l'oie (auto-publicité)

Une fois n'est pas coutume, ce blog servira à faire un peu de publicité.
Les heures d'insomnie de ces dernières nuit m'auront permis de mettre à jour mon site Jeu de l'oie. Quelques nouveaux contenus et surtout un relifting graphique complet, un flux RSS, etc. J'espère qu'il n'y a pas trop de coquilles...
Bon jeu !


06 août 2008

Les braves gens ne courent pas les rues - Flannery O'Connor


Voici un livre que j'ai lu grâce à Mauvais Genres, la sympathique émission hebdomadaire de François Angelier sur France Culture. L'écrivain Joe R Lansdale y citait Flannery O'Connor comme un de ses écrivains favoris.
Ce recueil de nouvelles, donc, met en scène des personnages du sud des Etats-Unis dans les années 50 : vieilles filles, prédicateurs, nègres, ancien soldat de la guerre de Sécession, enfants, tueurs... Les histoires sont brèves, âpres, souvent cruelles et teintées d'humour noir. L'auteure, une femme étonnante si j'en crois sa biographie, a une écriture brève, dense et acérée, diablement efficace. La nouvelle est un art très difficile, pour toutes les raisons que l'on sait et celles-ci sont des modèles du genre, réussissant chacune à évoquer un contexte social particulier, des personnages très riches, des intrigues prenantes... Je passais mon temps à me demander avec angoisse comment toutes ces affaires allaient mal tourner.
Les textes sont réunis par un ensemble de thèmes communs : présenter des petites gens, des personnages à l'esprit étroit qui ne comprennent pas bien le monde dans lequel ils vivent (alors que le lecteur, qui voit un peu plus loin qu'eux, devine bien tous les ennuis qui vont leur tomber sur la figure), présentés dans leur rapport aux autres et à Dieu (souvent).
Une belle découverte, un très beau recueil, merci à France Culture et à Joe R Lansdale de me l'avoir fait découvrir !

27 juin 2008

Valse avec Bachir

Nous avions observé voici quelques années que les jeunes parents réussissaient à aller au cinéma deux fois par an. Et bien c'est vrai ! Voici donc notre deuxième sortie de l'année...
Valse avec Bachir est un objet étrange et un film magnifique. Le réalisateur a été soldat dans l'armée israélienne lors de la guerre du Liban au début des années 80. Ce film d'animation est une plongée dans sa mémoire, à travers le récit d'une enquête menée par le réalisateur et les interviews d'anciens combattants de sa génération. Et ces interviews, ces conversations deviennent le support d'images hallucinantes, oniriques, surréalistes, magnifiques. C'est connu : le film d'animation demande de penser chaque scène, chaque image, jusque dans ces détails. De rêver la réalité. Ici, il devient un bel outil pour raconter l'inracontable, la beauté et les effrois de la guerre, les sensations des jeunes hommes de 18 ans à qui on a mis un fusil dans les mains. Le procédé est voisin de celui employé dans la BD documentaire (genre le photographe) mais la personnalisation de la narration permet une plongée subjective et émotionnelle beaucoup plus forte que dans le photographe, par exempl, soutenue par des images souvent oniriques et une excellente musique.


Plongée en spirale dans la mémoire, interrogation sur les souvenirs, sur le rapport aux évènements passés, sur l'implication, la culpabilité, Valse avec Bachir enchaîne les scènes fortes, belles, insupportables. Fusées éclairantes sur le décor post-apocalyptique des immeubles de Beyrouth, reflet d'un homme dans l'oeil d'un cheval mourant, traversée d'un verger à la poursuite d'un enfant armé d'un RPG, évacuation des morts vers la "grande lumière". Et la danse de Frenkel, sous les tirs des snipers et les immenses portraits de Bachir Gemayel.


- Pourquoi est-ce qu'on tire tout le temps? On ne devrait pas prier, plutôt?
- prie, et tire.





Photos extraites du site du film.

20 mai 2008

A deux pas du néant - Tim Powers

Los Angeles, 1987. Soleil, palmiers, grosses voitures pas très écolo et téléphones portables rudimentaires. Une vieille femme meurt, et son corps est retrouvé à quelques centaines de kilomètres de chez elle, posé sur une svastika dorée. Comment a-t-elle fait pour arriver là-bas? Et qui sont ces gens, dans cet autocar, qui quadrillent la ville en écoutant les oracles d'une tête embaumée? Et cet agent du Mossad devant qui il ne faut pas prononcer le nom de l'acteur principal de Rio Bravo ? (je sais que vous savez qui c'est, mais taisez-vous !)
Franck Marrity, jeune prof de littérature à l'université, élevant seule sa petite fille de douze ans, se pose les mêmes questions, et apprendre la réponse aura de quoi le secouer un peu. Il y aura des courses poursuites, des pistolets, des gens surgissant de nulle part, des incendies dans les collines provoqués par une utilisation peu orthodoxe des lois de la relativité...
Vous apprendrez quelques informations intéressantes sur la vie d'Albert Einstein, les lois de la physique, les tremblements de terre en californie, la guerre du Kippour et les unités spéciales du Mossad. Vous découvrirez aussi comment une société secrète peut ne pas avoir de fondateur. Et pas mal d'autres détails intéressants... Tout cela sans quitter la Californie, ses banlieues interminables et le soleil qui ne cesse de se refléter sur les pare-brises...

Cette lecture m'a rappelé pourquoi j'aimais Tim Powers, auteur que j'avais beaucoup lu voici quelques années. Pour ses idées, aussi bien dans les grandes lignes que dans les petits détails. Pour son attention au quotidien, aux mégots de cigarettes, aux bricoles qu'on garde dans sa poche. Pour son sens de la magie. Pour ses personnages, surtout, tous un peu fous, humains, vrais. Ils se trompent souvent, réussissent parfois par hasard, font de la magie quand il n'y a plus d'autre choix, et tout cela reste tellement vrai. J'y crois, je me laisse emmener, j'adore le voyage, merci M. Powers.
Tiens, ça me donne envie de relire le poids de son regard...

PS : ce roman contient sans doute quelques éléments autobiographiques : le héros a exactement le même âge et la même profession que l'auteur et le roman parle de choix de vie, d'élever ou non des enfants, des relations rêvées d'un père et de sa fille...
PPS : merci Gilles pour cette (re)découverte
PPPS : belle couverture de Manchu !

16 mai 2008

Peer Gynt par les arTpenteurs à Yverdon

Nous avons retrouvé à Yverdon le théâtre du petit globe où nous avions vu les Norn : le bâtiment (en bois) a été démonté, a quitté la vallée de Joux pour s'installer au bord du lac, dans un cadre fort joli. Et cette fois ci, point de chant, mais du théâtre !


Peer Gynt (prononcer Père Gunnt) est un classique du théâtre norvégien, de Ibsen, une histoire d'aventures un peu folles, avec bagarres villageoises, histoires invraisemblables, trolls, brouillards, voyages, naufrages... Cette pièce à grand spectacle était assurée par une compagnie de six (juste six!) beaux acteurs, assurant tous les personnages, la musique, le chant, la danse.
La mise en scène est étonnante, pleine de vitalité et d'invention. Les acteurs bougent magnifiquement, passent d'une voix à l'autre, d'un registre à l'autre, font des sauts, des marionnettes, des récitatifs, des plaisanteries, un peu dans la tradition de la comedia del'arte (telle que nous l'avions vue pratiquée par le piccolo teatro de Milan, un des plus beaux spectacles de théâtre que j'aie jamais vu).
Tout cela pour créer des images magnifiques : la danse des trolls, la mère perchée sur son moulin, la tempête sur le navire, l'errance de Peer Gynt dans la lande, sous les étoiles, tentant de fuir le fondeur de boutons.
La pièce, très belle, propose des scènes magiques, pleines de mystères et d'interprétations, humaines, légendaires, divines. Peer Gynt, raté fantastique, voyage, rêve, aime, tue parfois, se trompe tout le temps et reste toujours sympathique. C'est du théâtre. C'est la vie.

Fais un détour, dit le Courbe.

Par devant, par derrière, c'est toujours aussi long
A
u dedans, au dehors, c'est toujours aussi court

PS : les prochaines dates de la tournée mondiale dans le gros de Vaud et en Suisse et à Avignon

24 avril 2008

Epées et mort

Je vais essayer de faire un petit commentaire du cycle, recueil par recueil, nouvelle par nouvelle, autant pour faire marcher ma mémoire que pour l'intérêt, éventuel, du lecteur Leiberophile.
Comme je copie-colle les listes de textes depuis l'excellent site de Bruno Para, le petit bouton vert vous renverra à un résumé des nouvelles et au commentaire de l'ami Bruno.

Et comme je n'ai pas relu le premier recueil, je démarre directement au deuxième, épées et mort.

  • The circle curse / La boucle est bouclée
  • Texte mélancolique, très réussi, où tout est parfaitement résumé. Les héros, Lankhmar, Nehwon, les sorciers Sheelba et Ningauble... L'adaptation de Chaykin et Mignola en est particulièrement belle.

  • The jewels in the forest / Les bijoux dans la forêt
  • pas relu.

  • Thieves' house / La maison des voleurs

  • Une bonne histoire mettant en scène la terrible guilde des voleurs, qui a inspiré tant de rôlistes. On y retrouve toute l'atmosphère de Nehwon, grotesque, macabre, humoristique. (attention, on n'est quand même pas dans la parodie à la Pratchett)

  • The bleak shore / Le rivage désolé

  • Aventure étrange, presque philosophique. A la limite de l'abstrait.

  • The howling tower / La tour qui hurle

  • Partiellement relu, mais j'avais l'adaptation BD très présente à l'esprit...

  • The sunken land / Le pays qui coule
    Fabuleuse aventure onirico-marine, mettant en scène un royaume englouti, une galère silencieuse dans la nuit... Attention aux bijoux trouvés dans le ventre des poissons !

  • Seven black priests / Sept prêtres noirs

  • Encore une curieuse aventure aux limites du rêve, avec ses sept prêtres comme les personnages d'une comptine, le Souricier frigorifié et une ambiance de feu et de glace. Les apparitions des prêtres, un à un, donnent un bon rythme à ce texte.

  • Dark vengeance / Claws from the night / Claws in the night / Des serres dans la nuit

  • Superbe aventure lankhmarienne, toute l'ambiance croulante de la vieille cité s'y retrouve.

  • The price of pain-ease / Le prix de l'oubli

  • Une nouvelle fable, excellente. On notera que toutes les aventures opposant Fafhrd et le Souricier à la Mort jouent sur la dualité entre les deux personnages. Le côté double de ces héros (l'un ne va pas sans l'autre, et pourtant ils forment bien deux personnages distincts) est exploité dans pas mal de textes de Leiber. Ici, leur progression en miroir est tout à fait bien menée.

  • Bazaar of the bizarre / Le bazar du bizarre

  • Une des plus connues des histoires de la série. Pleine de bonnes idées, mais je trouve le discours ironique sur ces démons capitalistes un peu évident et facile. Restent des images fascinantes (le mur de mercure, la fille dans la cage...) qui valent la lecture.

    Un retour à Lankhmar...

    A cause d'un projet de partie de jeu de rôle, et par plaisir aussi, j'ai relu presque tout le cycle des épées, de Fritz Leiber, mettant en scène les inoubliables Fafhrd et le Souricier gris.
    Faut-il relire ce qu'on a aimé adolescent? Les déceptions peuvent être cruelles... Mais ça na pas été le cas avec cette relecture-là, qui m'a procuré une nouvelle fois le même plaisir. Certes, toutes les histoires ne sont pas bonnes. Certes, le style est parfois inégal... Mais le plaisir est là. Plaisir d'une sword & sorcery a visage humain, avec des héros pleins de faiblesses. Plaisir de retrouver un monde onirique, tranquille et brumeux, Nehwon, un de ces endroits où j'aimerais aller faire un tour à l'occasion.
    Je convie les lecteurs ne connaissant pas ces histoires à aller se renseigner ici ou ici.
    Cette relecture, après plusieurs années, m'a permis de me rendre compte d'un certain nombre de détails qui m'avaient échappés les toutes premières fois :
    - les meilleures aventures de F & lSG n'ont souvent aucune logique rationnelle (Quand le roi de la mer est au loin, le quai des étoiles, etc.) mais plutôt une logique onirique. Amis lankhmariens d'adoption, essayez de raconter vos histoires favorites à quelqu'un qui ne les a pas lues, et vous verrez sa tête... Cette logique onirique fonctionne d'ailleurs très bien !
    - Je suis prêt à parier que Fritz Leiber faisait de la voile et de l'escalade. Plusieurs textes (notamment La mer est leur maîtresse) semblent être des vacances imaginaires, l'occasion pour l'auteur d'emmener ses héros et lui-même en voyage. On notera les navires gréés en sloop, par exemples, pas très en phase avec l'univers post-antique de Lankhmar (mais les lampadaires et la police dans les rues sont d'autres échos de modernité dans cette cité étrange)
    - il est très touchant, notamment dans les derniers textes, de se rendre compte que les héros ont vieilli avec l'auteur. J'aime le fait qu'après les avoir fait bourlinguer autour de Lankhmar dans le monde entier, il leur trouve une maison pour leur retraite, l'Ile de Givre. Il leur faut un peu de temps pour s'y adapter, mais eux-mêmes et nous aussi finissons par prendre goût à cet endroit simple et bizarre (une image de l'Islande?)
    Cette relecture a été pour moi un nouveau plaisir, un nouvel émerveillement. Je me suis dit une nouvelle fois que si je voulais écrire de l'heroic fantasy (de nouveau) j'essaierais de faire des textes dans ce genre, textes courts, mélangeant rêve, aventures, épées et jolies femmes, voyages désabusés de héros très humains.
    Merci M. Leiber.

    PS : j'ai relu aussi les excellentes adaptations Chaykin/Mignola. Un peu comme Tardi l'a fait avec Nestor Burma, Mignola a donné à nos héros leurs visages.

    Napoli

    Naples est une cité de rêve. Non pas une de celles où on aimerait forcément habiter, ni une cité d'architecte rêvée par un utopiste, mais une ville dans laquelle j'ai envie de raconter des histoires et d'inventer des personnages.


    Une soeur pour Lankhmar, Ashamoil et l'improble endroit dont j'ai oublié le nom de Jeff Vandermeer. Naples est un peu trop romanesque pour être vraie, avec ses rues toutes serrées, ses gros pavés, ses palazzi aux portes épaisses (rappelons qu'en Italien, palazzo veut simplement dire "immeuble", mais le terme palais n'est pas usurpé pour certaines cour), ses arches, ses monuments antiques, médiévaux, renaissance, 17ème, modernes, incarnés dans le même tissu urbain. Avec la clameur des klaxons, le linge aux fenêtres, les petits métiers, les jolies femmes, les vieux barmen qu'on dirait sortis d'un film de mafia, les saints guérisseurs, les chiens errants, les vierges à chaque coin de rue. Naples est très vieille (fondée par les grecs, plus ou moins...), très belle et très laide à la fois.

    On sent la ville romaine sous les pavés (puisque le tracé de certaines rues est resté inchangé). Des perspectives s'ouvrent vers les collines crénelées du château Saint Elme. On passe des rues populaires des bassi aux quartiers chics du lungomare en quelques pas. Et on peut se perdre dans les couloirs fantastiques du château de l'oeuf, qu'on dirait inventé par Alexandre Dumas : plus dantesque que le château d'if, pour y coincer Monte-Cristo !

    Et puis le Vésuve est là, drapé de nuages, veillant sur la ville pour mieux la détruire quand il le voudra.

    10 mars 2008

    Gustav-Adolf Mossa - exposition au palais lumière d'Evian

    J'ai découvert Mossa, peintre symboliste de la belle époque, par un article paru dans Elegy, et j'avais été très frappé de trouver dans son tableau Pierrot s'en va le portrait parfait de Relio, personnage d'une de mes toutes premières nouvelles, auquel j'étais très attaché.

    Pierrot s'en va

    Et j'ai recroisé Relio/Pierrot dans les rues de Lausanne, sur une belle affiche annonçant une exposition Mossa à Evian, juste de l'autre côté du lac.
    Cecci, Lady A et moi avons donc profité d'une belle journée pour embarquer à bord du Vevey (superbe bateau à aubes datant de 1907, un des fleurons de la CGN) et nous rendre dans la petite ville thermale. Le palais lumière, où se tient l'expo jusqu'au 18 mai, est un ancien établissement thermal 1900, très joliment réhabilité.
    L'exposition elle-même est très belle, présentant les différents aspects de l'oeuvre de Mossa, peintre symboliste dans la veine de Moreau, aux inspirations littéraires et musicales très fortes (de la bible à Beaudelaire, en passant par Ovide, Huysmans... Schumann et Wagner pour la musique). Mossa a un dessin très touchant, souvent hésitant, utilisant les empattements, les dorures, le pointillisme, l'art nouveau, parfois dans le même tableau. Ses peintures et ses aquarelles paraissent être chacune l'écho d'une émotion, la manière d'exprimer un sentiment complexe et instantané. Certaines évoquent d'étranges récits et un monde imaginaire tenant tournant autour d'une étrange Venise minérale et luxurieuse...

    lui
    Nous avons particulièrement aimé ses variations hallucinées autour de Salomé (pourquoi ces mains coupées, partout?), son Pierrot, la Rose et le scarabée, son portait du serpent d'Eden ou bien de Salomon, ses illustrations de légendes allemandes.

    Salomon

    Etrangement, après 15 ans de création intense, Mossa a arrêté la peinture en 1918 et est devenu un notable niçois (sa ville de naissance) dont l'oeuvre n'a été redécouverte qu'à sa mort, en 1971.
    J'encourage quoi qu'il en soit tous ceux qu'intéresserait cette oeuvre singulière et rare et de la découvrir dans la très belle exposition d'Evian !

    Elle