15 décembre 2015

Une soupe de diamants - Norma Huidobro

Quelque temps après le mystère du majordome, les filles et moi avons lu une soupe de diamants, de la même Norma Huidobro. Ce livre utilise le même genre d'ingrédients que le précédent : une adolescente délurée à dreadlocks, l'Argentine contemporaine et fauchée, un meurtre et un goût pour la cuisine de qualité faite maison.
Les personnages sont très bien campés, l'histoire est pleine de suspense, j'écoute maintenant du tango à la maison. Bref, c'est bien, vous pouvez lire celui-ci aussi.

14 décembre 2015

Le mystère du majordome - Norma Huidobro

Voici une de mes dernières découvertes de lectures avec Rosa et Marguerite.

Tomàs a douze ans, il est marrant, gourmand, un peu agité et sympathique. Pour pouvoir organiser sans l'avoir dans les jambes le mariage de sa tante, la famille l'envoie passer quelques jours de vacances au palais... Le palais : la grande maison où sa grand-mère travaille comme gouvernante. Tomàs va profiter à fond des talents culinaires de la cuisinière de la maison, de la compagnie du chien et de la piscine. Surtout, il va poser au personnel (les patrons sont en Europe), tout à fait naïvement, des questions un peu gênantes: qu'est devenu le majordome qui était là l'année dernière ? Qui mange, la nuit, les parts de gâteau laissée dans le placard ? Pourquoi n'a-t-il pas le droit d'entrer dans le hangar ?

L'histoire se passe en Argentine, dans les années 2000. Les personnages sont vivants, réalistes, ancrés socialement. Et l'ancien propriétaire du palais est mort assassiné, voici deux ans, et l'assassin est en fuite. Les vacances tournent au mystère, des ombres passent dans le parc, des bruits étranges résonnent dans les canalisations...

Norma Huidobro, traduite et publiée par l'école des loisirs, a ficelé un bien joli roman policier pour enfants, souvent drôle, parfois effrayant, sans aucune gaminerie ni facilité. Nous avons tous les trois adoré.

11 décembre 2015

Münchhausen ? - au petit théâtre

Une chambre d'hôpital, toute blanche. Un vieux hirsute, à moitié dingue, sur le lit. Dans le coin, un étrange mannequin. On sent presque l'odeur des médicaments, et les exhalaisons corporelles pas très nettes du vieux, à qui son fils, qui fête ses trente ans aujourd'hui, vient rendre visite à contrecoeur.


Une pièce pour enfants qui commence comme ça, ça m'a rendu méfiant. J'avais tort.
Le vieux, c'est le baron de Münchhausen, 296 ans, qui a séduit toutes les infirmières, délire sur son lit, saute, rit, pète, fait des jeux de mots et fait fuser les paradoxes comme des feux d'artifice. Au bout de quinze minutes de représentation, le vieux est mort, le fils rentre dans son studio tout pourri sous les toits et l'histoire commence à exploser, avec l'aide soignante qui rêve d'astrophysique, le meilleur pote qui ne rêve de rien, le fils qui ne comprend rien, le cheval Bucéphale dans le cimetière, le voyage à Gibraltar, en passant par la lune et le Vésuve. Münchhausen ?, ce n'est pas une adaptation des aventures du célèbre baron, c'est une rêverie dans tous les sens, une histoire de joie, de deuil, de vie et de mort, une ode à l'illimité. C'est du théâtre moderne, explosif, à l'écriture speedée (la série Bref de Canal n'est pas loin, c'est peut-être la seule petite limite du truc), qui ose les effets spéciaux délirants, les blagues étranges, le surréalisme. Les acteurs sont tous formidables. C'est du théâtre pour enfants. C'est du grand théâtre. 

From Gibraltar, with love


(spectacle visible jusqu'à la fin de l'année. Allez-y !)



Photos de scène : (c) Elisabeth Carecchio

06 décembre 2015

Adar - retour à Yirminadingrad

L'éditeur Dystopia workshop lance une opération de financement pour un beau projet, avec lequel j'ai une relation personnelle forte.
Voici déjà le lien du projet. Allez-y voir, ça en vaut la peine.
http://www.dystopia.fr/financement/adar-retour-a-yirminadingrad

Puis, si quelques souvenirs vous intéressent, voici mon implication dans cette affaire.

C'était en 2009 ou en 2010, à la librairie Scylla, que j’ai rencontré en même temps Yirminadingrad et Jacques Mucchielli. Le livre Yama Loka terminus était posé en évidence sur le comptoir, j’en avais lu la critique sur le Cafard Cosmique, je l’ai pris parce qu’un des auteurs était là, que ça donnait l’occasion de bavarder. Jacques et moi avons bien accroché. 



Plus tard, j’ai lu le livre et je l’ai aimé (ma chronique ici). Je me suis retrouvé dans la ville déglinguée des bords de la mer noire, dans le projet chaotique pour la faire vivre par des chroniques, des récits, drôles, tristes, violents, sexuels, bizarres, incohérents, je m’y suis trouvé une maison.
Je me suis aussi retrouvé dans le drôle de processus de création collective, qui me rappelait un peu certains des procédés du jeu de rôle, avec la littérature et sans les clichés. Les auteurs de Yama Loka, et de Bara Yogoï tentaient de répondre à cette question : comment faire, à deux, à trois (avec Stéphane Perger) pour donner naissance à quelque chose d’intéressant ? 

L’année d’après, aux Utopiales, Jacques m’a présenté Léo, ils m’ont proposé de venir à Yirminadingrad à mon tour. J’ai fait le voyage, la route des exilés avec eux, j’ai vu bourgeonner ce qui a longtemps été pour moi le projet 19 dans mes notes personnelles et qui est devenu Tadjélé. (ici, la belle chronique de la revue Frontières)




Dans l'écriture, on se pose beaucoup de questions, on explore, il faut être patient, tranquille, accepter que de nombreuses routes ne mènent nulle part. Yirminadingrad a été pour moi une grande découverte, la possibilité d’autre chose, de quelque chose de juste et de joyeux. La ville et les rêves de la ville ont tout de suite infusé mon travail, comme si cela avait toujours fait partie de mon univers intérieur. L’Anamnèse de Lady Star y contient plusieurs allusions, Petites Morts aussi.
Jacques est mort avant de voir Tadjélé, mais le projet 13 était déjà en route. Dans ce quatrième et dernier livre de la série, les deux créateurs d’origine n’ont écrit aucun texte mais ont invité des amis, des amateurs, à écrire à leur tour - sans attribution des textes - sur la ville de Yirminadingrad. Nous sommes treize à être venus en touristes dans la cité des Yirminites et des Adiniens : Stéphane Beauverger, David Calvo, Alain Damasio, Mélanie Fazi, Vincent Gessler, Sébastien Juillard, Laurent Kloetzer, luvan, Norbert Merjagnan, Jérôme Noirez, Anne-Sylvie Salzman et Maheva Stephan-Bugni. 
J’ai eu le privilège de lire les textes en avant-première et croyez-moi si vous voulez, mais ce n’est pas une antho comme une autre, parce que dès le début elle a été conçue comme un livre complet, les textes étant tous appuyés sur treize images de Stéphane Perger. L’ensemble m’a ému et secoué.

Maintenant, ce livre a beau avoir été écrit, il n’existe pas encore. Le projet des éditions dystopia pour le faire naître est ambitieux, et il a besoin de vous. Tout est expliqué ici. Allez-y voir, pré-commandez le livre si vous le pouvez, vous ne le regretterez pas.


 Yirminadingrad vivra !

05 décembre 2015

Quai numéro 1 - à la Tournelle

La gare de Vallorbe est une ancienne gare frontière, un grand bâtiment majestueux et décrépit, tout au bout de la ligne de train se rendant du lac jusqu’aux montagnes du Jura. Au bout du quai numéro 1, un baraquement : celui où les bénévoles de l’ARAVOH offrent depuis seize ans café et écoute aux requérants d’asiles et autres migrants accueillis au centre d’enregistrement.
De leur expérience, de scènes vécues, ils ont tiré ce spectacle, fruit d’une écriture et d’une création collective.



Ce soir, on ne va pas parler d'immigration

Le résultat est très réussi, un assemblage faussement hétéroclite de saynètes qui vont du monologue humoristico-amer (le monologue du banc, très beau texte), en passant les chansons, les mimes, les scènes de comédie et d’émotions.
Les auteurs ne cherchent à nous tirer les larmes, plutôt à faire état, témoigner, poser des questions.
 
Que peut-on faire ? Que peut-on dire ?



La pièce dépasse les particularités locales, que ce soient celles de Vallorbe ou celles de la Suisse, elle mériterait d’être relue, reprise ailleurs, d’évoluer encore.



Entre l’immigration de masse, effrayante, et la rencontre individuelle, il y a un vide. L’action de l’Aravoh, et de tous ces groupes locaux interpellés par les grandes migrations, est de tenter d’avancer dans ce vide.