25 mai 2016

Willy Wonka & the chocolate factory

Marguerite a vu ce film des années 70 à l’école dans le cadre de ses cours d’anglais, et comme elle l’adore, elle tenait absolument à nous le faire voir. Je pense l’avoir déjà dit sur ce blog : j’aime beaucoup les œuvres de Roald Dahl, avec un goût particulier pour Charlie et la chocolaterie, un de ses chefs d’oeuvre. Je ne vais pas résumé le propos ici, d’autant que le film est une adaptation assez fidèle du livre. Les gamins monstrueux sont… monstrueux (avec un petit bonus pour Veruca Salt, que je trouve particulièrement nuisible), Charlie est un gentil petit gars blond avec une tête un peu étrange, et Gene Wilder campe un Willy Wonka tout en retenue et sourires en coin. 
 

Bien sûr, je n’ai pu m’empêcher de comparer cette adaptation de 1971 avec celle de Tim Burton avec Johnny Depp, plus de trente ans plus tard.
Une première chose : le film de 71 n’a rien de honteux. Il est réalisé avec soin, par des gens qui faisaient attention à leur travail et cherchaient à en donner au spectateur pour leur argent. Toutefois, tenter de rendre crédible à l’écran les folies de l’histoire de Roald Dahl, sans fabriquer complètement les images comme le fait Tim Burton, est une sacré gageure. Le film a été tourné en Bavière (jolies rues médiévales, toits pointus, architecture industrielle du XIXème siècle), ce qui lui donne une curieuse ambiance. L’usine de chocolats a quelque chose d’un parc d’attractions, animé par une bande de nains couverts de fond de train orange. La volonté de montrer est lourde et explicite et le réalisateur peine à suggérer, sauf peut-être dans l’inquiétante scène psychédélique du bateau, où Willy Wonka devient réellement inquiétant — ce qu’il est. Les personnages de Roald Dahl ne sont jamais dépourvus de cruauté.
La comparaison avec les images de Tim Burton m’a fait m’interroger, à mon échelle,


sur l’impact des effets spéciaux au cinéma sur notre imaginaire, sur la plastique des mondes dont nous sommes maintenant capables de rêver. A la fois plus beaux, plus grands, plus colorés, mais aussi complètement détachés du monde. 
 

22 mai 2016

La fameuse invasion de la Sicile par les ours — Dino Buzzati

J’ignorais que Buzzati avait touché au récit pour enfants, et ce fut une heureuse découverte, parce qu’il l’a fait d’une manière toute buzzatienne. La fameuse invasion de la Sicile… a un titre programmatique : on y lira bien l’histoire du renversement de l’affreux grand duc de Sicile par une armée d’ours descendus des montagnes, l’installation de ces sympathiques plantigrades à la tête des institutions humaines, comment se passe l’occupation et comment elle finit.
Mais en plus de cet aimable récit, impliquant trolls, croquemitaines, enchanteurs, tripots clandestins, ours corrompus, batailles, coups de canons et morts diverses (et aucun personnage féminin, il me semble), la fameuse invasion est aussi un joli jeu méta-littéraire comme les auteurs Italiens de cette époque savent les faire. Pour vous donner un exemple, le livre commence par une longue liste de tous les personnages (une trentaine), chacun accompagné d’un petit paragraphe de commentaire qu’il faut absolument lire. Car, loin d’être un rappel pour le lecteur perdu, ces pages introductives construisent un jeu d’attentes et de surprises avec le récit qui suit. Le roman commence déjà là !
L’auteur a dessiné ses propres illustrations pour le récit, a composé chansons et poèmes, joué avec les codes du conte… Cela donne un récit enjoué, intelligent, amusant à tout un tas de niveaux. Les enfants ont aimé, et moi aussi ! 
 

 

19 mai 2016

L'esprit de la forêt – Moka

Rose n'ira pas au stage poney cet été, faute de sous. Ses parents l'ont envoyée passer trois semaines chez sa tante Annette, dans une ferme près de la forêt, dans le Jura. Là, elle fera la connaissance de Ludovic, son cousin, un garçon bizarre qui ne lui fera pas très bon accueil...
Ce roman est publié à l'école des loisirs, éditeur dont l'actualité contemporaine est un peu agitée. Long story short : l'éditrice historique des romans publiés à l'Ecole des loisirs a été écartée. Je me suis donc dit que j'allais prendre à la bibliothèque quelques bouquins publiés par madame Brisac, par curiosité.
Marguerite et Rosa ont beaucoup aimé cet esprit de la forêt. Avec un décor et trois personnages (pour simplifier), l'auteure construit un récit habile, mêlant mensonges, histoires qu'on se raconte et pure imagination. L'histoire est traitée tout en demi teintes et quart de teintes, avec des personnages très vrais, ce qui rend l'aspect "fantastique" du récit d'autant plus fort. Le roman dégage une atmosphère très originale, un peu étrange, qui reste une fois les dernières pages tournées.

Une lecture très recommandable et un bon choix.




10 mai 2016

Je suis la reine -- Anna Starobinets

J'ai entamé la lecture de ce recueil mu par une vraie curiosité, d'autant que des gens dans les goûts desquels je me reconnais souvent en avaient dit le plus grand bien. Mais j'ai été assez déçu.
Je suis la reine est un recueil d'histoires "inquiétantes", sises dans la Russie contemporaine. Les récits oscillent entre l'horreur, le bizarre et la science-fiction, mettent souvent en scène des enfants et jouent assez volontiers sur le sale, l'organique et le collant. Le point le plus intéressant est qu'ils mettent le plus souvent en scène des Russes des classes moyennes installés dans des banlieues plus ou moins grises mais jamais très réjouissantes.
Si aucun des textes n'est mauvais (l'auteure a du métier), j'ai toutefois eu l'impression de lire une version russe des nouvelles de Stephen King -- ce qui n'est pas une insulte dans ma bouche, mais relativise l'originalité du propos.
Mon texte préféré du recueil, la famille, est d'ailleurs celui qui se trouve être le plus russe, dans sa façon de manier l'absurde et la folie, celle d'un homme moyen oscillant entre deux vies, sa "vraie vie" et sa vie rêvée, ironiquement aussi banales l'une que l'autre.
Publié à l'origine par les mêmes éditions Mirobole, les Furies de Boras, même s'il n'était pas parfait, m'avait beaucoup plus intéressé.

01 mai 2016

La rencontre -- Cirque Starlight

Le cirque Starlight poursuite une route singulière que j'apprécie toujours autant : tenir sur un fil étroit entre cirque populaire, tournée en roulottes, numéros classiques et "nouveau cirque", un peu conceptuel, tentant de dépasser l'habituelle succession d'exploits pour concevoir un spectacle qui raconte quelque chose. Depuis la première fois où nous les avons vus, en 2010, ils proposent chaque année un nouveau spectacle, dans une ambiance toujours onirique, bizarre et funambulesque, menant à de grandes réussites (Balchimère, 2011, Entresort 2013) ou à des demi-ratages (Aparté, 2012).

 La rencontre se tient dans night club années 50, petites tables rondes, grosses lampes, ambiance festive. Les garçons viennent pour frimer, les filles en groupe boivent un verre dans leur coin, un couple mal assorti tente une romance...

 Ce spectacle ne m'a pas entièrement convaincu : les numéros de clown peinaient à décoller (même si je trouvais que les deux artistes avaient du charme), le spectacle était un peu lent et avec un léger goût de trop peu (trois des numéros annoncés dans le programme n'étaient pas présents, le cerveau aérien, la roue cyr et le hula-hop figurant dans la bande-annonce). Mais au-delà de ces réserves, nous avons pu assister à un paquet de numéros épatants. L'ouverture à la bascule, très bien mise en scène et très réussie, un numéro de mât chinois double avec quatre Tanzaniens extraordinaires de charme et de force (troupe Hakuna Matata), un très beau numéro de corde volante avec Emmaline Piatt qui fait de la balançoire juste sous le sommet du chapiteau, un sourire constamment sur le visage.

 Dans la deuxième partie, j'ai été épaté par le numéro d'adagio (figures et appuis au sol, de groupe) des mêmes Hakuna Matata et surtout par le numéro de patins à roulette acrobatique de Mathieu Cloutier et Myriam Lessard. Je n'avais jamais vu cette technique en scène, où deux artistes tournoient sur une scène minuscule, c'est extrêmement impressionnant.


Malgré mes réserves, La rencontre est un bon spectacle et plutôt une bonne année pour Starlight. Et la question de savoir si on peut raconter quelque chose avec un spectacle de cirque reste ouverte.