Ou César, ou rien raconte en 400 pages bien denses la saga de la famille Borgia. Au programme : assassinats, simonie, grands personnages de l'église, sang et sexe. Le vice est un bon programme pour attirer le lecteur, mais on peut craindre le pire d'un roman avec une telle accroche.
Ecrire un roman historique littérairement intéressant me paraît être un défi. Pourquoi écrire sur les temps passés? Quel intérêt d'évoquer des temps disparus? A part le goût de l'exotisme, un certain conservatisme et la perspective de vendre une saga en 10 volumes, bien sûr...
Montalbán a tenté de relever ce défi en faisant des choix assez violents: narration très fluide, au présent de l'indicatif. Dialogues enlevés, presque théâtraux. Enchaînement des scènes très rapide (les transitions sont expédiées). Aucune date, peu de repères de lieu. Les personnages parlent comme des gens du 20ème siècle. Tout cela au risque d'une certaine confusion.
Il faut s'accrocher pour suivre, ça depote !
Portrait de César Borgia, dit "le Valentinois" (il a été nommé duc de Valentinois par le roi de France Louis XII)
Et le propos du roman? J'ai l'impression que Montalban a voulu mettre en scène une époque de transition, ou tout paraissait possible. Une époque très fertile, intellectuellement et politiquement. Une époque extrêmement violente aussi. Incertaine. Ou seuls les grands fauves cruels paraissent pouvoir s'en sortir.
Le roman est surtout un portrait de groupe, le portrait d'une famille incroyablement ambitieuse d'origine catalane (comme l'auteur). C'est par ses personnages, dans leurs relations, leurs non-dits, leurs ambitions, que le roman est le plus réussi. Le pape Alexandre VI, Lucrèce, Sancha de Naples, Miquel de Corella, Joan et Jofré, Savonarole, Machiavel et surtout César Borgia sont les acteurs de cette histoire. Le César Borgia de Montalban est un très beau personnage, homme secret, violent, décidé, craint de tous, dont la devise infiniment orgueilleuse donne le titre du roman.
C'est cet homme libre, fascinant, qui mesure tout à l'aune de l'homme, à l'aune de lui-même, qui est le pivot de cette histoire.
Au registre des défauts, le traitement de certains personnages secondaires (Machiavel, Thérèse d'Avila...) : ils ont tendance, dans des dialogues un peu artificiels, à faire un exposé en deux pages de leurs théories, à un niveau un peu cliché.
Mais tout cela ne doit pas masquer les qualités d'un roman, certes inégal, mais attachant par ses personnages "bigger than life".
Aut Cesar, aut nihil !
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