16 août 2013

L'homme qui savait la langue des serpents - Andrus Kivirähk

Leemet vit dans la forêt, quand tous les autres l'ont quittée pour s'installer dans les villages, vivre à l'heure moderne, cultiver les céréales, se faire houspiller par les chevaliers, prier ce Jesus dont tout le monde parle. Leemet est le dernier à vivre selon l'ancienne coutume, vêtu de peaux, dans une cabane, le dernier à parler la langue des serpents, ces mystérieux sifflements qui commandent aux animaux.
Nous sommes en Estonie, à la fin du moyen-âge, et le monde change. On croit que ce qu'on connaît durera toujours, il n'en est rien, des étrangers arrivent au vieux pays, importent leurs coutumes et les anciens modes de vie de la forêt son peu à peu oubliés. Ce livre est la chronique d'un basculement, d'un passé magique vers un présent plus familier au lecteur. Le monde de Leemet, sa famille, ses voisins, ses copains (humains et serpents), disparaît morceau par morceaux comme un arbre qui s'écroule.
Ca pourrait être affreusement triste, ça l'est d'une certaine façon, mais c'est aussi très drôle, peuplé de gens bizarres, fous ou simplement ridicules, d'étranges créatures plus ou moins fantastiques, de souvenirs d'un âge d'or étrange où la Salamandre volait dans les airs au-dessus des navires des envahisseurs. L'auteur crée un univers singulier, poétique, amusant, parfois sympathique, désespérant le reste du temps, planté dans le passé imaginaire d'un tout petit coin du monde. Un très beau récit, à la fois follement drôle et très amer et un très bon livre, sans aucune nostalgie du beau temps de la magie et des fées - l'auteur affirme que chaque époque et chaque monde produit ses propres imbéciles.
Enfin, la postface du traducteur éclairera utilement le lecteur sur certains aspects culturels typiquement estoniens qui auraient pu lui échapper.

Une petite note enfin pour ceux qui ont lu le livre (les autres, fermez les yeux)
Le statut du récit empêche de croire complètement au monde créé par l'auteur. L'ironie est si présente, si acide, qu'elle tire le récit vers une fable noire, une lutte vaine contre la bêtise, à laquelle il paraît difficile d'échapper jamais… Comment l'avez-vous ressenti ?

Aux éditions Attila (dont je souligne l'attention portée dans leurs livres : à l'illustrateur et au graphiste - c'est bien, ce sont des gens utiles)

5 commentaires:

  1. Le roman est assez satyrique en effet, il s'amuse en mettant en scène des situations surréaliste notamment avec cette référence au "bon vieux temps" que l'on retrouve dans la bouche de tout le monde.
    On tire plus vers la fable que vers le roman historique en effet.

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  2. @Efelle c'est forestier mais on n'y trouve pas tellement de satyres (pun intended). Généralement je n'aime pas les fables, le procédé m'empêche d'adhérer à l'univers créé. Mais là, les personnages et l'histoire sont tellement bien que j'y ai cru quand même.

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  3. Pour moi c'est un conte écrit de manière très moderne et expurgé des éléments naïfs qui caractérisent généralement ces récits. J'ai totalement adhéré et adoré, même si je reconnais être toujours bon public pour ce type de récits.

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  4. Je l'ai trouvé en pile chez Charibde :)

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  5. @le lecteur : ils aiment bien, mais j'avais lu tellement de chroniques positives avant... C'est vraiment un bon livre, même si j'ai quelques réserves, qui relèvent du goût plus que de la littérature.

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