L'adjacent est le dernier roman paru en français de Christopher Priest, auteur très apprécié sur ce blog.
Tibor Tarrent revient d'une mission humanitaire en Anatolie où sa femme à mystérieusement disparu, sous l'effet d'une arme étrange ne laissant sur le sol qu'un triangle de matière noire. Nous sommes dans un futur climatiquement inquiétant où des cyclones tempérés ravagent l'Europe occidentale, où la grande Bretagne est devenue une république islamique et où existent des appareils photo à lentille quantique...
Le roman est composé de plusieurs parties faussement disjointes. Outre le récit de Tarrent, on aura aussi droit au voyage d'un prestidigitateur dans les Flandres durant la première guerre mondiale, à un récit de rencontre amoureuse impossible sur une base aérienne durant la seconde guerre mondiale et à un long passage dans l'archipel du rêve (ma partie préférée du roman).
Il est évident que les parties se répondent l'une à l'autre, que les mystères soulevés à un endroit trouvent des semblants de réponse, et d'autres mystère, à d'autres endroits. Qu'il n'est pas anormal que les noms se répondent par assonances, que les situations résonnent en écho. Aux trois époques "réelles" du roman, la Grande Bretagne traverse des tempêtes, climatiques ou géopolitiques. Au trois époques, la société est sous pression.
L'adjacent est similaire aux Insulaires en ce sens qu'il s'agit de puzzles éparpillés dont les pièces ne collent pas toutes entre elles. Même le lecteur amateur de Priest que je suis a été désorienté par celui-ci, d'autant que ce roman semble couronner et lier l'ensemble de l'oeuvre de son auteur, reprenant de nombreux thèmes et obsessions, comme un album best-of un peu décousu. Je n'ai pas tout compris, j'aurais aimé saisir plus, attraper plus, je me dis qu'il faudrait que je relise, que je fasse des dessins, que je trace des lignes, comme je l'avais fait pour les Insulaires.
Malgré cette faiblesse structurelle, qui empêche une adhésion émotionnelle forte, le roman comprend nombre de beaux moments. Son écriture en est très aboutie, dégageant par moment une sorte de douceur triste, et j'ai fini, en y repensant, par trouver une clef de lecture probable. Dans des réalités et des époques différentes, le même homme et la même femme se rencontrent, se perdent, se regrettent, se cherchent, se retrouvent. Un unique récit, dans une discontinuité de fictions.
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