20 novembre 2018

Lire Hildegarde – livre III – Jérusalem

Dieu le veut ! Des fleuves de pauvres gens se mettent en marche à travers l'Empire, prient, pillent, meurent, tuent. Dieu le veut. Ils partent vers Jérusalem, rêve d'une cité céleste sculptée dans le cristal. Mais cette troisième partie du roman ne débute pas là. On commence plus tôt et bien plus tard, quand l'enfant Philippe d'Alsace, comte de Flandre, se fait présenter par son père un joyaux laid et précieux à la fois, un petit flacon contenant quelques gouttes du sang du Christ. A l'intérieur du flacon, la naissance des histoires et des rêves: le rêve de Jérusalem, le rêve du récit jamais terminé d'Orlando Chuchotant, né sous un autre nom sous les cieux de l'Empire et mourant en ermite près de Saint Jean d'Acre.

Philippe écoute son père Thierry lui raconter ce que dit Orlando qui lui-même rapporte les paroles de Pierre l'Ermite et tout prend vie et tout s'anime, le fleuve du temps, le fleuve des hommes. La guerre, la vie, la mort, les rêves qui font basculer nos décisions et l'appel brûlant de la croix. Et Hildegarde ?

Dois-je établir un nouveau fief en Orient?, demande Philippe à l'abbesse avant de partir. Pour tous les manquements, les péchés et les jugements injustes dont tu t’es rendu coupable, réfugie-toi auprès du Dieu vivant, dit-elle. Ce qui est une réponse sage que Philippe prendra à son compte sans sagesse. Car les princes rêvent et veulent qu'on leur raconte des histoires.


Je l'ai déjà dit dans les pages de ce blog, mais j'ai lu enfant avec passion la série de l'histoire de France en bandes dessinées. C'est là, avec ces images très crues que jamais un enfant de dix ans n'aurait dû voir, que j'ai eu ma première vision des croisades, de leur violence et de leur folie. Mon premier grand récit de fantasy, bien avant de lire Tolkien. Hildegarde raconte une nouvelle fois, et avec quelle force !, cette aventure originelle.

Restent des échos de chansons sous la voûte. Des souvenirs de voix qui murmurent. La légende d’Eimich de Leisingen et de ses cavaliers fantômes. Celle du bon Barberousse dans son château souterrain, attendant l’heure de ressurgir de terre. Restent les chroniques, les livres, et cette impression de réel qui naît de notre besoin d’y croire. Reste la magie. Le saint sang des comtes des Flandres repose à Bruges dans l’église Saint-Basile : quelques gouttes noires dans une ampoule sertie d’or, conservées dans un reliquaire et entourées de calme, de silence, de siècles de dévotion et de ferveur patiente.







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