11 juin 2019

Entends la nuit – Catherine Dufour

Myriame rentre d’Amsterdam à Paris, emménage chez sa mère qui n’a pas le sou et embauche à la Z, une société de services de data mining spécialisée dans l’immobilier (groovy!) installée dans un bel immeuble haussmannien à Paris. La jeune femme a du tempérament, mais elle a besoin d’argent alors elle s’adapte aux coutumes de la boîte, à son middle management intrusif, à ses actionnaires arrogants, à son app interne de flicage, aux locaux bizarres et biscornus. Je n’ose pas dire que l’entreprise est étrange parce que, après tout, elle n’est pas plus étrange que beaucoup d’autres. C’est notre monde qui est étrange.
Puis notre héroïne est séduite par un des riches actionnaires anglais de la Z., qui a un comportement (et des capacités ?) réellement bizarres, et le roman glisse peu à peu dans le fantastique.
On retrouve dans le texte l’humour vache et les punchlines qui font la signature de Catherine Dufour, dans un texte qui n’est pas si loin des romans non-discworld du grand Terry Pratchett, humour français et féministe en plus. Ça vanne, c’est souvent très marrant. Le propos du roman est intéressant, avec des êtres fantastiques jamais vus (par moi en tous cas), des fantasmes XIXème siècle (cannes-épées et souterrains de l’Opéra inclus), une manière d’interroger nos relations à l’immobilier et aux pierres (si, si) et un discours de lutte des classes bien envoyé notamment après le twist final qui montre ce que pourrait donner la fin d'un 50 nuances socialement réaliste. On n’aurait pas pu écrire ce texte il y a dix ans, pas de cette façon : l’époque s'y trouve, avec les diplômés précaires et les féministes conscientes et assumées.
L’esthétique du récit me touche aussi, qui révèle la passion de l'autrice pour le XIXème siècle pas-steampunk, avec ses cadavres photographiés, ses tenus étouffantes et sa prostitution hygiénique. Tout ça joue joliment avec un de mes fantasmes favoris, la visite dans notre époque d’un être d’un autre temps.
J’ai beaucoup aimé le style, l’intention, le coup de gueule final et le premier tiers, chronique d’une vie du bureau si bizarre et si commune. Pour le reste, malheureusement, la narration est bancale et le récit filandreux, une forme de romance bit-lit (pour ce que j’en connais) qui n’était pas pour moi. 

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