Alias Caracalla est un livre de souvenir du résistant Daniel Cordier, qui vient de nous quitter à l'âge de cent ans. J'avais découvert le personnage dans la chouette émission de arrêt sur images dont il était l'invité. J'avais aimé sa légèreté, son esprit, son humilité. Un type étonnant.
Caracalla, c'est son pseudonyme de résistant. Pas le vrai, en fait, mais celui que l'écrivain Roger Vailland lui a donné dans son très bon roman sur la résistance écrit pendant la résistance. Le passage évoquant Cordier/Caracalla, la scène des gateaux dans le restaurant, est un de plus touchants du livre et, d'après Cordier, il est vrai.
Alias Caracalla est un étonnant livre de mémoires, écrit très longtemps après les faits mais appuyé sur de nombreuses recherches, racontant l'engagement du jeune Daniel dans la résistance. Depuis la capitulation de juin 40 jusqu'à l'arrestation de Jean Moulin.
On y verra l'évolution idéologique du jeune homme, de jeune camelot du roi antisémite à quasi socialiste, on découvrira les rencontres avec De Gaulle, l'entraînement en Angleterre, l'énergie, la frustration, puis toute une étonnante vie de fonctionnaire de la résistance quand Cordier devient à Lyon le secrétaire de celui qu'il admire, Jean Moulin. Ce n'est pas la même vision de la résistance que celle de Lucie Aubrac (même si ça se passe dans la même ville). Cordier se planque, transmet des messages, coordonne, distribue de l'argent... On découvre une vie de stress et d'ennui, au coeur des réseaux, là où se décide la politique des mouvements de résistance, quand Moulin, envoyé de De Gaulle, tente de fonder le mythique CNR.
Le livre est facile à lire, précis, souvent intéressant, parfois ennuyeux dans sa méticulosité et sa précision. Cordier parle de lui quasi comme d'un étranger, un homme d'avant d'où naîtra l'homme de maintenant. Le plus étonnant dans cet étonnant destin est la manière dont quelques mois de collaboration avec un homme qu'il admire forgeront le parcours de toute une vie.
Détestant l'ambiance "ancien combattants", Cordier se détachera de la résistance et des honneurs dans la fin des années 40, deviendra marchand d'art (suite à sa découverte de l'art moderne avec Moulin), puis consacrera la fin de sa vie à défendre un internationalisme dans lequel je me reconnais, et la mémoire de son mentor.