J'ai lu ce livre sur conseil du blog de Pierre Jourde, dont j'aime les coups de gueule et estime les opinions. Je suis un peu surpris des commentaires louangeurs qu'il a reçu.
Reconnaissons-lui deux choses : le sujet est bien trouvé et l'écriture fort réussie.
Quelque part en Franche-Comté, pas très loin de chez nous, à la fin du 12ème siècle, Esclarmonde des Murmures se fait emmurer vivante, espérant devenir sainte plutôt que femme mariée à un seigneur brutal. La scène de la conversion et de la noce interrompue est époustouflante et belle. Carole Martinez écrit son livre comme la confession d'un fantôme à un visiteur du château en ruine. Le style est élégant, chargé comme un il faut d'images médiévales et d'impressions sensuelles.
J'imagine que je m'attendais à une leçon de ténèbres mystique, quelque chose dans l'esprit de ce livre de Tahar Ben Jelloun. Un livre qui parlerait de Dieu, de la souffrance, des corps, des esprits du moyen-âge...
A la place, on se promène dans un moyen-âge scolaire. La narratrice prend soin d'expliquer aux lycéens les petits points de civilisation qui leur manqueraient (tranchoir, trébuchet, stigmates...). Sous prétexte d'évocation du merveilleux et des contes (femmes-sirènes des rivières, chevaux fantastiques, enfants crucifiés) le roman prend soin de presque tout rationaliser (sauf cette jolie idée de la généalogie des mains percées). Là où je m'attendais à la création d'une vision extraordinaire du monde depuis le cachot de la recluse, je n'ai eu qu'une pseudo-objectivation ne laissant que très peu d'ambiguïtés. L'introduction d'un élément fantastique (la vision déportée) est faite avec une touchante mais agaçante maladresse. Quant à la relation à Dieu, elle est enfermée dans les clichés. Dommage.
Bref, on m'a promené dans un joli livre d'images, bien tourné. J'aurais adoré lire ce livre quand j'avais dix-sept ans.