29 juin 2013

Une lecture critique des Masques de Nyarlathotep - première partie


Je tente ici le premier d'une série de posts, qui sont autant une chronique qu'une réflexion à ciel ouvert autour du jeu de rôle. Les lecteurs de ce blog le savent déjà, je joue depuis longtemps, et surtout je joue encore.
Après avoir beaucoup pratiqué avec des univers et des systèmes maison, et cessé de lire presque tout ce qui était publié par les auteurs et revues spécialisés, je me suis remis il y a quelques années à acheter du jeu, pour trouver des idées et disons-le aussi, par plaisir. J’aime lire des textes écrits pour le jeu de rôle, pour le bonheur de rêver. Il m’arrive même, parfois, de m’en servir pour faire jouer.

D’où un plaisir particulier à parcourir le travail des éditions Sans Détour autour de l’Appel de Cthulhu. J’ai acheté, apprécié et fait jouer la magnifique réédition des Montagnes Hallucinées. Je me suis aussi procuré le recueil de scénario de Tristan Lhomme (que je commenterai peut-être un jour). Et surtout je me suis acheté à parution la campagne des Masques de Nyarlathotep (pour m’économiser du clavier, je dirai dorénavant : les Masques).
Dans cette campagne mythique, parue initialement dans les années 80, les PJs sont lancés dans un voyage autour du monde, à la recherche des membres disparus d’une expédition archéologique, l’expédition Carlyle. Il y aura des cultes maléfiques, des monstres, des complots, des voyages… J’ai acheté la grosse boîte de Sans Détour en me disant : pourquoi pas ? Pourquoi ne pas faire jouer, avec mes attentes d’aujourd’hui, cette histoire ?
Les quelques notes qui suivent essaieront de confronter cette lecture et mon regard contemporain sur le jeu.

Les Masques est donc une grosse campagne, rassemblée dans une demi-douzaine de livrets entassés dans une grosse boîte. Le tout écrit petit, avec des couvertures pulp assez réussies. Cette boîte s’adresse à des rôlistes nostalgiques : achetez votre campagne à l’ancienne, telle qu’elle aurait toujours dû être publiée. Texte réécrit, documentation, mise en page très propre, photos d’époque, de rues, de lieux, plans lisibles et abondants, chaque PNJ représenté par une photo également. Un travail éditorial impeccable, fidèle à ce que j’ai déjà vu chez Sans-Détour. On peut se contenter de l’acheter, de la feuilleter avec un plaisir régressif, voir de la lire en pensant qu’un jour on la fera jouer, puis la laisser prendre la poussière dans l’étagère à vieillerie avant d’en parler sur un réseau social avec des copains. Option 1.
J’envisage l’Option 2 : et si on faisait jouer tout ce bazar ?

Je n’ai pas encore tout lu, j’en suis environ à moitié. Voici mes impressions jusque là… Attention, à partir de maintenant, je spoile à volonté et sans retenue.
J’ai commencé par le livre d’introduction, qui m’a un peu perdu. Au-delà des blablas campagne mythique, etc., j’ai fini par comprendre le propos général de l’histoire. Expédition disparue, journaliste assassiné, portail dimensionnel (aïe, un truc que je déteste).
J’ai parcouru ensuite les livrets de New York, de Londres et du Caire.
De manière générale, j’ai apprécié les photos d’époque, très immersives, les éléments de background social et historiques, plutôt bien faits, sur le New York des années 20, Londres, le Caire et l’égyptomanie. Ça m’a donné envie d’aller promener des PJs dans ces époques et ces lieux, une bonne chose. La première vocation d’un livre de jeu de rôle, c’est de donner envie de jouer.


New York : clubs de jazz de Harlem, beaux quartiers où vit Erica Carlyle, poursuites et filatures dans des arrière-cours. Très bien, tout ça. L’histoire, maintenant ? Je passe sur l’implication des PJs, qui n’est pas évidente mais que tout maître de jeu roué saura mettre en place : à New York, nos héros découvrent un homme assassiné, un de leurs proches, qui s’intéresse à l’expédition Carlyle disparue depuis des années. Que peuvent-ils faire ? Lire des tonnes de papiers et d’aides de jeu. Contacter l’éditeur du journaliste. Remonter jusqu’à une secte implantée dans la communauté kenyane de Harlem. Contacter la sœur de Carlyle, le millionnaire disparu.
Pas grand-chose d’autre.
On atteint ici la première limite de cette réédition : c’est du jeu de rôle à l’ancienne. Qui fournit des éléments de background, des descriptions de personnages, des plans (c’est bien). Qui ne fournit pas d’éléments pour animer une histoire : rencontres, scènes marquantes, implications mettant les PJs dans des situations tordues et intéressantes. Il n’y a pas grand-chose dans ce livret pour nourrir mes joueurs, que je n’y amène moi-même… Notamment parce que je refuse (et eux aussi) certaines conventions à l’ancienne : on enquête parce qu’il y a un mystère. Les cultes sont maléfiques et doivent être combattus, etc.
Je me rends compte que je refuse aussi certains aspects de la campagne (certains me diront qu’à ce stade, il vaudrait peut-être mieux renoncer à la faire jouer. Peut-être). Je refuse l’aspect moral : les cultes ne sont pas maléfiques. Dangereux, oui, étranges, oui, ennemis, oui. Mais les gens qui y participent y trouvent des avantages, et je refuse l’option facile qui consiste à dire qu’ils sont juste fous.
J’entends déjà parler de portail, de fusée, etc. Je sais que je vais virer tous ces trucs-là. Les zombies aussi, et la plupart de la magie.

Londres : fondations faisant de la recherche en Egypte, meurtres en série, propriété mystérieuse au bord de la mer du Nord. Brumes et brouillards. Tout ça me plaît. Je vais devoir relire pour comprendre comment les PJs se retrouvent à y aller à partir des notes d’Elias, mais je trouverai. Le côté : je remonte les contacts d’Elias, beaux quartiers, journalistes, policiers, est assez chouette en donnant à saisir les éléments d’un puzzle plus grand.
J’aime assez la manière dont fonctionne le culte local, je le trouve assez crédible : des pauvres, du pouvoir, du sexe, un mélange de haute société et d’immigrés… On touche ici des thèmes qui me plaisent : les étrangers, les immigrés, les conséquences imprévues de la colonisation, l’esprit mélange de modernité et de fascination pour les forces obscures des années 20.

Le Caire : la présentation du contexte me plaît vraiment, j’ai des rêves d’Egypte, et cette société où plusieurs mondes se mélangent… Là encore, le background est très bien et donne envie. Mais la présentation du scénario… Aïe aïe aïe. Outre le classique « rituel à interrompre », la rencontre avec le Grand Méchant Maléfique (aïe aïe aïe bis)… J’adore l’idée de fréquenter un chantier de fouilles ayant sorti « quelque chose » de bizarre, l’idée de découvertes archéologiques qui feraient mieux d’être tues. Mais pourquoi diable avoir présenté les points d’entrées des PJs (le journaliste et le directeur du musée) à la fin du livret ?

Je vois là que mes attentes face à un livre de jeu de rôle ont changé. J’ai une vie active, je suis raisonnablement paresseux, je préfère ne pas bricoler autant que ça. Là, je vais bien être obligé…

J’ai déjà été long, dans un prochain post je mettrai quelques idées pour faire de cette campagne quelque chose de plus conforme à mes attentes.

4 commentaires:

  1. Petite replongée dans le jeu de rôle... une campagne dont j'ai beaucoup entendu parlé il y a longtemps mais à laquelle je n'ai jamais participé.

    Les années 20, les trucs occultes : de bonnes raisons d'aller faire un petit tour avec Cthulhu.

    Aïe ! Mais il faut bricoler, bosser voire... "c'est pas du tout cuit" pourrait-on même ajouter ? Ca ce corse.

    En tout cas je suis ravie de pouvoir lire ce type d'article.

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  2. Le texte n' a pas été réécrit. Il s' agit à 90% du texte édition Descartes et les approximations factuelles ainsi que les errements de la campagne de Ditillio ont été maintenus. Également beaucoup de docs en trop qui seront complètement inutilisable car hors sujet. Ajoutons aussi un nombre de fautes inadmissibles dans les pièces annexes (Australie). Tout cela pour dire que le travail éditorial de SD est très surestimé. Très bon article au demeurant :-)

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  3. Je m occupe de présenter les masques sur roliste TV et je me permettrai de citer tes billets pour présenter une autre manière de jouer si tu n y vois pas d inconvénients

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  4. Pas de souci, cite ce que tu veux.
    Intéressant, sur le travail éditorial de SD. En l'occurrence toutefois, l'apport graphique (photos) et documentaire (contexte historique) a été déterminant dans mon envie de (faire) jouer.

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