La Californie, dans une trentaine d'années. Nos smartphones n'existent plus, remplacés par des vetinfs (vêtement informatisés ?), toute une nébuleuse de capteurs et de processeurs que nous portons sur nous, jusqu'à nos lentilles de contact, qui nous plongent dans un monde ultra connecté, en réalité augmentée, géré par le système d'exploitation Epiphany. Ces couches informationnelles ajoutées au monde que nous connaissons entraînent des évolutions sociales intéressantes : fluctuations ultra-rapides des idées, affiliances, cercles de croyance (personnes regroupées par une vision commune de l'univers, qu'elle soit religieuse ou basée sur des oeuvres de fiction)...
Robert Gu était universitaire et poète à la fin du XXème siècle, un homme brillant et méchant, dévoré par la maladie d'Alzheimer. Mais les miracles de la médecine, et les traitements personnalisés, l'ont sorti de sa dégénérescence et ont rajeuni son corps. Il reprend conscience du monde qui l'entoure dans ce nouveau monde où il n'est qu'un newbie maladroit qui se voit enseigner les bases de l'interaction par sa petite fille Miri, treize ans. Bien malgré lui, il se verra entrainé dans une intrigue bizarre, avec un diable tentateur (le Mystérieux Etranger) et des enjeux liés aux bibliothèques universitaires et aux labos de bio-ingénierie de la région qui le dépassent...
Rainbows end (la fin des arcs-en-ciel, et non le pied de l'arc-en-ciel, même si on peut supposer que le double-sens est voulu) est le nom d'une maison de retraite, rappelant au lecteur et aux personnages que malgré les miracles des technologies les hommes restent des êtres finis. Malgré son univers déroutant, très pré-singularité, le roman est tout à fait accessible et facile à lire, en plus d'être une des anticipations les plus profondes et crédibles de ce que pourrait être un monde où les flux d'informations sont mille fois ce qu'ils sont maintenant. Les idées fusent dans tous les sens, le roman explore la vie intime, la vie scolaire, les relations de pouvoir, le hacking, les virus, la sécurité, les jeux, comme une plongée dans ce futur hyper-californien, assez optimiste malgré le terrorisme et les fous qui pullulent.
Une intrigue d'espionnage assez intéressante sert de fil rouge à cette plongée, même si je la trouve un peu trop liée à la famille Gu et pas assez développée dans ses implications - j'aurais aimé en savoir plus sur ses tenants et aboutissants (et je ne demande même pas l'identité du lapin...). Je suis également surpris par la totale absence dans le livre de toute dimension sexuelle. Les personnages s'intéressent à la science, à leurs études, à leurs problèmes familiaux, mais les corps - quand ils ne sont pas malades - paraissent tout à fait absents de leurs préoccupations. Est-ce un oubli volontaire de la part de l'auteur, ou bien un point aveugle ?
Si on pense qu'un des buts de la science-fiction est de provoquer des vertiges, Rainbows end est une grande réussite. Bourré d'idées, facile d'accès, avec des personnages plutôt bien écrits, ce roman de Vernor Vinge nous emmène loin.
C'est un peu une coïncidence qui m'a fait lire Rainbows end en même temps que Zendegi. Si leurs thèmes profonds diffèrent beaucoup (le Vinge comprend notamment toute une dimension méta-littéraire), les deux romans tentent d'offrir une prospective crédible à 20 ou 30 ans, accompagnée d'une description intéressante de certaines évolutions technologiques et de leurs conséquences sociales. Zendegi est un roman plus simple que celui de Vinge, plus direct et aux enjeux me paraissant plus crédible. Le Vinge a pour lui un foisonnement, une grande richesse de vocabulaire et de créations. Les deux livres ont en commun leur grande facilité d'accès, leur fausse simplicité, et le plaisir d'offrir une grande stimulation intellectuelle. La science-fiction est bien vivante !
La blbiothèque Geisel, un des lieux centraux du roman. Assisté de servomoteurs. |
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