Je dois à David Calvo la découverte de ce petit studio indépendant de jeux vidéos. Leurs productions sont toujours expérimentales, d'une façon ou d'une autre, cherchant les limites du médium. En y jouant, vous ne serez pas dans votre zone de confort ou de distraction, il faudra adopter un autre regard, se décaler, mais croyez-moi, ça vaut le coup.
Après un univers onirico-biblique (Fatale, excellent), un trip de SF durassienne (si, si) plutôt bien fumé (Bientôt l'été), Tale of tales nous emmène dans en 1972, en Anchuria, un pays imaginaire d'Amérique centrale. On y joue Angela, la femme de ménage noire d'un homme riche de la capitale. Angela est une étudiante américaine, coincée en Anchuria par la crise politique qui y sévit et lui interdit de quitter le pays. Toutes les semaines, elle vient passer une heure juste avant le coucher du soleil dans l'immense appartement d'Ortega, qu'elle ne croise jamais. C'est cette routine que Sunset vous propose de jouer. Une heure en quasi temps réel dans un appartement vide, à observer les traces de la vie d'un homme. Une fois admis cet étrange point de départ, Sunset déploie tout son charme. Le jeu vidéo est un moyen ici pour enclencher l'imagination. A partir de l'immersion subjective, on se retrouve à observer les détails peuplant l'appartement, à écouter la rumeur montant de la rue, à allumer un feu dans la cheminée du patio, à lire les titres des livres abandonnés par le maître de maison, tout en entendant parfois les pensées intérieures d'Angela. L'histoire alors se situe tout autant dans l'explicite que dans l'implicite, dans ce qu'on en fait, ce qu'on en crée. Vague inquiétude, voyeurisme, et charme étrange de la routine, chaque visite étant à la fois identique et différente. Les ombres s'allongent, lumières sont belles, on se surprend à s'asseoir dans un fauteuil du maître de maison en sirotant un verre et observer en rêvant le soleil se coucher. Une expérience unique.
PS: j'ai vu que les créateurs du studio Tale of tales annonçaient qu'ils allaient cesser de faire des jeux. Quel dommage !
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