09 juin 2017

Les marécages – Joe R. Lansdale

Harry, onze ans, vit avec sa famille dans une petite maison au bord des marécages de la Sabine, East Texas, dans les années 30. A l’époque le coin était infesté de tiques, de serpents, on n’avait pas encore drainé la région et construit des parkings et des zones industrielles. Jacob, le père de Harry, est fermier, coiffeur (pas très doué) et constable. A lui les enquêtes sur les incidents locaux, les faits divers, les meurtres de Noirs, ceux auxquels personne ne s’intéresse. Or, un jour, le jeune garçon découvre le cadavre d’une femme noire, hideusement mutilée…

J’ai lu ce roman en quelques heures sans pouvoir le reposer, ce qui est bon signe. L’enquête de Jacob, avec son fils sur les talons, n’est pas une mince affaire. Le simple fait d’autopsier les cadavres est loin d’être une évidence (quel médecin blanc avouerait avoir découpé le corps d'une Noire, au risque de perdre sa clientèle ?), et surtout on n’a pas trop le temps de s’occuper de ce genre d’affaires, entre les travaux domestiques, ceux de la ferme, le racisme ambiant, le Klan, la méfiance entre les races, etc…
Le roman évoque bien la vie dans les années 30, racontées à travers un Harry devenu vieux qui souligne la différence avec son temps. On sent que Lansdale aime cette région, ses paysages, ses habitants (il me semble que ses romans de Hap & Leonard se passent exactement dans le même coin) et il fait passer son amour du pays. L’intrigue est bien menée, intéressante, l’évocation réussie, bref, c’est un bon roman que je recommande. Les deux premiers chapitres, notamment, démarrent dans une évocation du passé, et partent d'une anecdote pour glisser dans une scène cruelle et une excursion terrifiante dans les marais. La classe.

Maintenant, quelques critiques plus techniques: il est évident que Lansdale s’est documenté, a reconstitué pour son petit théâtre mental la vie au Texas à l’époque… et ça se voit dans l’écriture. Trop de détails sont mentionnés « pour faire vrai », qui participent au décor mais pas à l’histoire. Le narrateur devenu vieux sent l’artifice. Beaucoup de personnages occupent des rôles qui vient à illustrer l’époque (la vieille Noire qui raconte des histoires, le petit commerçant membre du Klan, etc.) L’intrigue en est fait assez facile à démêler pour un lecteur habitué, et le scénario est tellement écrit qu’on dirait une de ces machines filmiques, où chaque détail à sa place et où, évidemment, la scène de fin va faire écho à la scène du début. Jusqu’aux points laissés dans l’ombre, car, le récit étant supposé être vrai, on ne peut avoir d’explications à tout. Le tout est très habilement fait, très sincère, mais j'ai vu les coutures, les traces du travail de l'artisan doué.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire