16 janvier 2024

Délire - au cirque d'hiver

Lors de notre voyage à Paris cet hiver, nous sommes allés voir Délire le dernier spectacle du cirque d'hiver Bouglione. Comme les lectrices et lecteurs de ce blog le savent, je suis amateur de cirque, nouveau cirque, cirque à l'ancienne, etc.

Là, on est dans le classique. Monsieur Loyal a cette voix particulière de forain classieux (Michel Palmer, j'ai l'impression que c'est lui qui anime le spectacle d'aussi loin que je m'en souviens), il y a des lumières partout, de la musique live, des numéros de haut niveau avec de beaux corps faisant des trucs extraordinaires qu'on admire le souffle coupé.

Le cirque d'hiver, c'est classe et on en prendra plein les mirettes. On peut y emmener les petits enfants, les grands enfants et les grands-parents - on a testé pour vous.

Délire est au niveau habituel de ce que propose la maison, c'est-à-dire un bon spectacle, avec des numéros solides et quelques moments merveilleux.

Petite revue, numéro par numéro.

Salto, ballet acrobatique

Knie et Bouglione commencent et finissent toujours leur spectacle avec ces groupes de beaux jeunes gens en habits scintillants qui encadrent toujours l'ensemble des numéros, donnant une impression d'abondance et de richesse visuelle.



Regina Bouglione, haute école.

Peut-être ma principale déception. Non pas tellement par le numéro en lui-même, mais par le fait qu'on n'a pas vu plus de chevaux. La piste de sable ronde et les chevaux, c'est ce qui distingue pour moi le cirque du music-hall. J'étais heureux de voir un beau cheval et une cavalière douée, mais il m'a manqué des numéros équestres plus impressionnants.




Glen Folco, jongleur

Beau numéro, visuel, classique. L'objet de jonglage (des raquettes) permettait j'ai l'impression des effets de suspension aérienne très chouettes, ce moment où vous avez l'impression que l'objet "reste" en l'air, tant il est remplacé rapidement par son successeur.



Rolling wheel, roue allemande

Numéro solide avec un coupe homme/femme façon couv d'album de hard-rock des années 80. De manière curieuse, j'en ai aimé les flottements, ces moments où le saut ou bien l'équilibre ne sont pas parfaitement réalisés, qui trahissent la difficulté du truc derrière la frime musclée de façade. 



Matute, clown

Les clowns font partie des numéros qui doivent le plus se réinventer avec l'époque (personal opinion). Celui-ci était très chouette, avec tout ses délires bruités à la bouche pour souligner tous ses gestes. C'était simple, enfantin, parfois très absurde (et l'absurde me fait rire).



Scott et Muriel, magie

Là, c'était vraiment dingue. Le premier numéro, surtout, de la grande illusion, avec des corps qui tombent en morceaux, apparaissent et disparaissent, jouent avec les attentes du spectateur. Le tout en mode super rigolo. J'étais complètement scié et émerveillé. Un numéro de grande classe, qui justifie presque le spectacle à lui tout seul.



Cassie Audiffrin, acrobaties aériennes

Les beaux numéros aériens, ceux où les artistes volent et tournent autour de la piste accrochés à des rubans ou des sangles me touchent toujours beaucoup. Celui-ci, basé sur un objet inhabituel, m'a beaucoup ému par sa beauté et sa poésie. Mon préféré, avec le numéro de magie. 




Three G, acrobaties au sol

Trois jeunes femmes ukrainiennes, dans un numéro de portés acrobatiques. Dans ce genre de numéro, les porteurs sont le plus souvent des hommes. Ici, le numéro, très bon, est entièrement féminin. Outre le fait d'admirer des artistes très douées, voir le spectacle faisait un écho en creux assez bizarre avec la guerre : pas d'hommes - parce qu'ils sont mobilisés ? Je sais que ce n'est sans doute pas vrai, mais la résonnance était étrange.



Professeur Ermakov, petits animaux

Bon, les numéros avec des petits bêtes ça n'a jamais été mon truc. Toujours pas, même si celui-ci est de qualité.



Nino Rodrigues, équilibre

Numéro classique de beau gars (très, très) musclé prenant des poses gainées en équilibre en hauteur sur les mains.



Artur et Esmira, sangles aériennes

Couple aérien, volant, dans un numéro de qualité, mais que j'ai trouvé en comparaison moins gracieux que celui de Cassie Audiffrin. 



Miami Flow, bascule et barre russe

Tout spectacle de ce type doit comprendre un numéro aérien qui fait faire "waow", avec roulements de tambour et triple saut périlleux. C'est le groupe Miami Flow, de très bon niveau, qui remplit cette exigence. A la bascule en première partie, et dans un super numéro de barre russe (une sorte de poutre souple) dans la deuxième partie. L'ensemble est top, avec des artistes magnifiques, un niveau de maîtrise impressionnant et des roulements de tambour qui envoient. Un très bon numéro de conclusion de spectacle.










04 janvier 2024

Cyrano de Bergerac - à la Comédie Française

Cyrano est la pièce préférée de tous les temps de notre chère Marguerite. Alors quand on a vu que la pièce était jouée à Paris alors que nous y étions, nous avons fait la queue dans le froid pour obtenir ces places pas chères et à visibilité réduite à la Comédie Française. Ainsi, le cou un peu tordu, nous avons pu voir la version 2023 mise en scène par Emmanuel Daumas de ce monstre théâtral.

La note d’intention du metteur en scène dit qu’il a voulu faire un Cyrano un peu queer et pourquoi pas ? L’histoire et ses mots sont si connus qu’il faut bien se démarquer. Ses choix fonctionnent souvent, pas tout le temps, mais ne sont jamais honteux.

Laurent Lafitte fait un Cyrano jeune homme, léger, un peu braillard dans les actes 1 et 2, plus délicat dans la suite (et c'est mieux) . Il porte la pièce en finesse plutôt qu’en force, parvenant à faire oublier la version plus brutale de Gérard D, par exemple. Il s’en sort avec élégance sur les grandes tirades du début mais il est encore meilleur dans les scènes de pénombre et de rêve.
Le reste du casting est a la hauteur. J'ai adoré de Guiche (une des choses que j'aime dans cette pièce, c'est que le méchant a de la classe.), Christian a de l’épaisseur, Ragueneau de la presence et les autres petits rôles sont bien tenus - mention spéciale pour Nicolas Chopin en Montfleury, une belle baudruche, et Birane Ba dans une collection de personnages amusants.

Les scènes les plus belles ne sont pas forcément celles qu'on attend. D'abord, l'acte IV, le siège d'Arras, où la mise en scène se fait sombre et inquiétante, où l'on voit les jeunes hommes vaillants et fragiles que la guerre va engloutir. Et surtout la scène du balcon, qui permet à Jennifer Decker de montrer une Roxane magnifique dans un passage tout en pénombre où s'exprime la folie des personnages.

La belle idée d'Emmanuel Daumas c'est de montrer un Cyrano ivre de mots auquel répond une Roxane qui, pas plus que lui, ne veut du monde réel et désire uniquement s'ennivrer de la beauté des paroles. Les deux se retrouvent dans cette folie impossible à satisfaire, et il faut la mort pour que le voile se déchire, voile qu'ils auront maintenu tout les deux tendu jusqu'au dernier moment. Oui, ces deux-là s'aimaient et ils ne se sont jamais aimés dans le vrai monde - baisers, amour charnel, mariage... Mais en vérité, ils n'ont jamais voulu de ce monde, et cet amour-là, leur amour, cet amour queer, est magnifique. 





(en finissant d'écrire ce billet, je vois que beaucoup de critiques démolissent la mise en scène. Elle est loin d'être parfaite, certaines choses sont confuses, certaines idées discutables, mais nous l'avons trouvée réellement intéressante et portée par des acteurs excellents. Le spectacle vaut vraiment le coup, même si ce n'est pas du Cyrano pour Français revanchard de 1870 - le panache ici est parfois léger comme une fumée)

La Chimera - Alice Rohrwacher

Sur le conseil de l'excellent podcast une invention sans avenir, nous avions regardé Lazaro Felice, d'Alice Rohrwacher, et c'était un très cool film vraiment très bizarre.

La Chimera c'est aussi très cool et aussi très bien. C'est un film qui ne ressemble pas à ce que vous connaissez et ça fait du bien d'être un peu dépaysé. Je vais tenter de le pitcher pour faire envie.

On est en Toscane, dans les années 70/80. Pas la Toscane de la riche ville de Florence, mais la Toscane des vieux villages miteux, des paysans auxquels il manque des dents et d'une industrialisation encore récente. Arthur (dit "Artù", dit "Il Maestro") est Anglais, c'est un beau jeune homme perdu qui sort de prison et retourne au pays. Il a aimé l'archéologie et il a fait de la prison pour trafic d'antiquités. Parce qu'il faut dire que ce charmant garçon a un pouvoir étonnant : il peut sentir la présence de tombes souterraines. Et là, après la prison, il renoue sans renouer avec la bande de pilleurs de tombes auxquels il est associé, les tombaroli, et il va peut-être continuer, peut-être pas, de toute façon il n'a plus un rond, un seul costume élimé, un regard rêveur et plein de souvenirs qui le hantent.

Le film flotte entre le réalisme un peu crado et la magie, une magie quasiment toute entière dans le regard, la manière dont on regarde les tronches des personnages, les visages, les corps, les maisons, les vieux murs. Certains passages sont d'un onirisme magnifique (le défilé des Streghe pour l'épiphanie) et parfois on sent le froid, l'humidité, et le mauvais vin rouge âpre dans la gorge. L'histoire nous présente des personnages merveilleux, comme Italia, la jeune femme illettrée, Spartaco, le trafiquant, Flora la vieille cantatrice (jouée par Isabella Rossellini !). Il y a une attention aux pauvres, aux femmes, aux enfants, sans regard miséreux, avec la beauté qui ressort tout le temps, dans la voix, dans les scènes de danse, de musique, de nuits humides et de plongées dans les tombes. C'est vraiment très beau, on a tous aimé, les parents et les deux jeunes filles qui les accompagnaient.

C'est un film qui fait aimer l'Italie mais une Italie plus profonde et secrète, loin des clichés, celle qui s'ancre dans les profondeurs du passé.











Mars Express

J'arrive un peu tard parce que ça fait plusieurs semaines que nous sommes allés voir ce film. J'ai été un peu influencé par les youtubeurs que je suis et je m'y suis rendu sans avoir vu beaucoup plus que la bande-annonce.

Globalement c'était très cool. Je n'ai pas tout aimé mais cette histoire de privé californien incarné par une femme cyber augmentée avec un assistant robot m'a bien plu. Les idées tech étaient bien rendues (j'ai adoré la scène où les personnages revoient les "derniers moments" de la jeune fille dans son école), certaines scènes d'action envoyaient du bois et le scénario contenait plein de bons moments. L'utilisation de l'animation, qui trouble la distinction humain-robot et la séparation image-monde réel, me paraissait totalement justifiée.

Je ne vois juste pas tellement ce que cette histoire avait à faire sur Mars - on n'y croit pas tellement - mais c'est plutôt anecdotique, si si.

Bref, c'était cool.