28 octobre 2022

La vie de Galilée - à la comédie française

Les lectreurs.rices de ces billets l'auront compris, ici, on aime bien le théâtre et en particulier la comédie française. L'auteur de ces lignes a un principe : quand on va voir du spectacle vivant, on aimera environ une fois sur deux. Nous sommes allés deux soirs de suite au théâtre, la première fois pour voir Gabriel, et c'était bien. La deuxième fois pour voir La vie de Galilée, de Berthold Brecht. Et bien c'était l'autre fois sur deux.

La vie de Galilée, notre première pièce de Brecht au théâtre, parle donc, spoiler alert, de la vie de Galilée, présenté comme un type plein d'idées, aimant la science, les mathématiques, sa famille, manger et dormir. Le sujet est quand même assez intéressant.

La mise en scène d'Eric Ruf, le boss de la Comédie, est pleine de pognon. 23 acteurs sur scène, décors énormes et compliqués, costumes de Christian Lacroix.

Nous avons tenu 1h30 et sommes partis à l'entracte. C'était pompeux, didactique, ennuyeux, pesant, sans intérêt.  Plein de blablabla et de trucs ridicules et embarrassants pour les acteurs et actrices sur scène.

Il y a un paquet d'années, on avait vu le Tartuffe, mis en scène par l'administratrice de l'époque de la CF. C'était plein de décors et d'acteurs et c'était nul. Il doit y avoir une malédiction liée aux mises en scène du chef...



La critique est toutefois flatteuse. Moi, j'ai l'impression d'avoir vu une pièce pour bourgeois. Pas mon truc.


Gabriel - au théâtre du vieux colombier

Gabriel est un "roman dialogué" écrit par George Sand dans les années 1830, et c'est une histoire assez cool. Gabriel est l'héritier du prince de Bramante, éduqué dans un chateau isolé dans tous les arts qu'un jeune homme de la renaissance italienne doit savoir maîtriser : monter à cheval, se battre l'épée, lire l'histoire héroïque des grands hommes. Petit détail, toutefois : sans le savoir, Gabriel est une femme, à qui on a fait croire qu'iel était un homme. Est-iel dupe ? Peut-être, peut-être pas... Et surtout, que se passe-t-il une fois que ce personnage noble, intransigeant, héroïque, entre dans le monde ?

On l'aura compris : c'est un beau sujet pour notre époque. Et un personnage intéressant. Et, ce qui ne gâche rien, une bonne histoire d'intrigues politiques, d'héritage, d'amour et de mort.

A partir de ce roman, la troupe de la Comédie Française a crée une pièce de théâtre (ce que voulait George Sand) en concentrant le récit sur huit personnages et en simplifiant l'intrigue. On a vu tout ça au Vieux Colombier, la salle de la rive gauche, et c'était super bien. Acteurs intenses et toujours excellents, avec une mention spéciale pour Claire de la Rüe du Can, dans le rôle titre, mise en scène énergique, costumes impeccables, scénographie pleine d'idées... On a vibré, on a tremblé, on a adoré.







27 octobre 2022

Indiens de conquistadores en Amérique du Nord - Jean-Michel Sallman

Le titre est un peu austère et sérieux, comme le livre, qui s'attache à décrire les expéditions des Espagnols en Amérique du Nord, au-delà de la Conquête de la Nouvelle Espagne sur la civilisation Aztèque. L'auteur y raconte les expéditions en Floride, dans les plaines du Mississippi et dans le nord du Mexique actuel, au cours du 16ème siècle.

Amateurs de récits de désastres, vous serez servis ! (moi, j'aime ça, c'est un de mes vices). Vous vous rappelez Aguirre, la colère de Dieu ? C'est pareil, en surmultiplié. Vous découvrirez une galerie de seconds couteaux des expéditions du Pérou investissant leurs gains dans le but de trouver leur civilisation à piller, persuadés qu'au coeur de l'île de Floride (oui, au début ils pensaient que c'était une île), on va trouver quelques cités peuplées de combattants néolithiques à plumes couverts de bijoux d'or, ou bien espérant découvrir des mines dans les Appalaches ou les plaines de Grand Fleuve. Tragiques erreurs de géographie, sous évaluation des distances, navires de ravitaillement qui font naufrages ou bien attendent en vain, lingots d'argent trouvés sur des Indiens qui promettent que, là bas, dans le Nord, il y en aura bien plus (alors que les Indiens on pillé ces lingots sur une épave espagnole, ha ha ha). Si ce genre d'histoire vous plaît (comme c'est le cas pour moi), si ça vous fait rêver, si ça vous donne envie d'envoyer des expéditions de PJs patauger dans des des jungles ou des marécages en se demandant à quel moment ils s se sont trompés de direction, alors ce livre vous plaira, d'autant que l'auteur ne manque pas de talent pour le récit (sans cynisme, ni méchanceté, je tiens à le dire).
On y retrouvera l'expédition de Panfilo de Narvaez, que j'avais découverte il y a un paquet d'années à travers l'incroyable témoignage d'un des seuls survivants, Cabeza de Vaca (une histoire dingue !), puis l'expédition de Hernando de Soto entre la Floride, les Appalaches, la plaine du Mississippi, où tout se passe mal. Les tentatives de huguenots français Ribaud et Labaudière de s'établir en Floride dans un creux entre deux guerres de religion (spoiler alert: ils s'y prennent plutôt bien, mais les Espagnols eux, le prennent mal, et les tuent tous) et enfin l'expédition dans le nord du Mexique de Vasquez de Coronado (vous vous rappelez le début d'Indiana Jones et la dernière croisade ? la croix de Coronado, sa place est dans un musée, tout ça, ben c'est lui).
Les derniers chapitres sont des synthèses traversant différents thèmes : la constitution et la logistique des expéditions (très bien pour les rôlistes), les motivations des conquistadores (argent, conversion...) et ce qu'on peut saisir de la perception des actions des natifs (qui n'étaient pas tous des tendres). J'ai bien aimé aussi voir se glisser dans ces récits des visiteurs imprévus, un archer anglais avec De Soto, des esclaves africains qui se barrent chez les Indiens, d'autres qui s'efforcent de devenir des chamanes d'élite, des femmes indiennes qui fuient leur mari chez les conquistadores, des Espagnols qui en pincent pour des locales et désertent les expéditions... Des petites histoires cachées dans les plus grandes histoires.

Tout ça fait un excellent travail, que j'ai adoré lire.



26 octobre 2022

Conversation avec un métis de la Nouvelle Espagne -- Serge Gruzinski

 

Par le même auteur que le bouquin précédent, un livre qui s'inscrit, en historien, dans la lignée de Yourcenar.
L'auteur s'intéresse à Diego Muñoz Camargo, auteur mineur du XVIème siècle "mexicain", connu pour deux livres décrivant sa région de naissance (le pays tlaxcaltèque) à l'intention de la couronne espagnole. A partir de ces livres "américains" écrits par un homme fils d'un conquistador et d'une Indienne, Serge Gruzinksi essaie de reconstituer sa perception et sa vision du monde, sous la forme d'une "conversation" artificielle à travers le temps (questions de l'historien auquel "répond" Diego par des extraits de ses deux livres) assortie d'une importante glose.
Cet aspect littéraire du livre n'est pas le plus intéressant ni le plus réussi, mais il oriente efficacement le livre dont les considérations sont passionnantes.
Tout comme un humain informé du XXIème siècle, Diego vit dans un monde dont les perceptions sont en plein bouleversement. Tout change, tout s'effondre, on meurt beaucoup, des opportunités s'ouvrent, le cadre de référence se bouleverse...
Diego est un homme qui connaît très bien les anciennes cultures mexica et tlaxcaltèques, il est en contact avec les anciennes familles nobles (dont il épousera une fille), il a rencontré des gens ayant connu la conquête de Cortes et le monde d'avant, il s'est fait rapporter de nombreux récits qui forment une partie de son cadre intellectuel. Il parle aussi plusieurs langues locales, en plus de l'Espagnol, connaît sans doute quelques mots de latin, a été éduqué dans un cadre intellectuel catholique (avec présence de l'inquisition) avec références à l'antiquité, qu'il est capable de citer.
Il perçoit le monde depuis la Nouvelle Espagne, mais s'est rendu devant le roi Philippe II vers 1580. Il est aussi éleveur (riche), commerçant, essaie de comprendre la nouvelle échelle du monde, à travers les expéditions d'exploration (comme celle de Coronado, qu'il rapporte), voit l'intérêt du contact trans-pacifique avec les Philippines et la Chine, comprend le lien avec le Pérou...


Le livre ouvre de belles perspectives pour se plonger dans une époque fascinante, la sienne, la nôtre.

25 octobre 2022

Le destin brisé de l'empire aztèque - Serge Gruzinski

 

Comme souvent dans cette collection, le livre est superbement illustré et rédigé par un expert du domaine. Les annexes contiennent par ailleurs de nombreux extraits de textes d'époques, aussi bien des récits aztèques que des textes de conquistadores ou bien des histoires ultérieures.
Je n'avais de la conquête de l'empire Aztèque par Cortès qu'une image assez simple et cliché, animée par une question simple: comment une bande de quelques centaines d'Espagnols, même résolus, a pu faire tomber un empire dont la capitale avait 300 000 habitants ?
Le livre commence par décrire les origines toltèques de l'empire des Mexicas et la référence, dans tous les peuples de la région, à la mythique cité de Tula. Avant l'arrivée des Espagnols, la région est très dynamique politiquement avec l'émergence récente des Mexicas (vieille d'à peu près un siècle) qui construisent une fragile coalition, basée autour de trois cités dont la principale est Tenochtitlan, qui contrôle l'essentiel du Mexique central par un mécanisme de tributs et de guerres ritualisées (notamment contre des petits états maintenus en place pour servir de cible à la guerre fleurie, comme Tlaxcala). Cet empire sans roue ni communications rapides est basé sur des équilibres fragiles que les Espagnols viennent bouleverser, en se glissant habilement dans les alliances du temps (et en se comportant comme des brutes). Les épidémies viendront plus tard, bouleversant les équilibres démographiques.
Le livre s'attache à décrire le devenir des anciennes élites indigènes et essaie de montrer comment, une fois leur cadre de référence détruit (fournir du sang pour mon maître Arioch pour les dieux en quantité), les anciennes élites religieuses et nobiliaires se glissent soit dans la "collaboration" avec les Espagnols, en acceptant les cadres de référence, ou avec les moines franciscains (pour les élites des villages), et deviennent des sujets du roi d'Espagne (Charles Quint, puis Philippe II ou Philippe IV, le roi-planète).
Un petit ouvrage court et passionnant, remarquable initiation à l'époque.



12 octobre 2022

Le grand cahier -- à la comédie de Genève

Nous sommes allés voir ce seul en scène à la Comédie de Genève, l'occasion pour moi de découvrir ce théâtre. Valentin Rossier, metteur en scène et acteur, planté au milieu de la scène avec un micro, joue le texte d'Agota Kristof, que je me rappelais avoir beaucoup aimé. J'en rappelle la teneur : deux enfants, des jumeaux, envoyés à la campagne dans un pays générique d'Europe centrale, durant la seconde guerre mondiale, rapportent leurs expériences terrifiantes sans affects ni subjectivité. 

C'est un texte dur, plein de scènes crues et violentes. Valentin Rossier parvient à lui donner vie, dans un dispositif minimal mais efficace. On se laisse prendre par la voix, la parole, le rythme, on est saisi par les nappes de son, emmenés dans la vie amère de ces personnages. J'en suis ressorti secoué et saisi, par un récit qui m'a rappelé, par sa cruauté, et une certaine drôlerie (si, si), les Saisons de Maurice Pons.

Spectacle à partir de 14 ans, mais si vous y emmenez des jeunes gens sensibles, (re)lisez le roman avant. Certaines scènes peuvent être choquantes.


11 octobre 2022

OSS117, le Caire, nid d'espions -- Michel Hazanavicius

Quelques mots sur ce film. C'est entièrement de la faute du podcast Une invention sans avenir que je l'ai regardé (écoutez ce podcast, c'est très intéressant !), j'en étais curieux depuis un moment. Je ne vais pas en dire grand chose d'intelligent : c'est très bien fait, la reconstitution d'un film d'aventures des années 60 est épatante. Pré générique en N&B, générique très graphique, nuits américaines, scènes de bagarre "à l'ancienne", belle image. Dujardin campe un personnage d'imbécile magnifique... mais je n'ai pas aimé.

Je crois que j'aime le concept. Que sur quinze minutes denses de ce genre, ça m'aurait plu, mais que le pastiche/parodie étiré sur 1h40 m'ennuie. J'avais envie de voir un vrai film d'aventures des 60s. Je ne m'y attendais pas, mais au milieu du visionnage j'ai eu envie d'interrompre et de regarder un vieux James Bond, genre Goldfinger ! (film revu il y a peu avec les enfants qui ont trouvé ça ringard, macho et assez très con, alors que je trouvais le film classieux, même au re-
visionnage.)




Par le fer et par le feu -- Alexandre Jubelin

Celui-ci, je l'ai acheté suite à des mentions sur les réseaux sociaux et à l'écoute de l'émission qui lui est consacrée sur paroles d'histoire. Nom de bleu, je deviens victime de la hype ! Je lis un essai d'histoire militaire juste à sa sortie, sans même l'avoir reçu en SP !

Comme le titre l'indique, le livre, issu d'une thèse de doctorat, s'intéresse au combat dans l'Atlantique entre le 16ème et le milieu du 17ème siècle, en gros la transition entre les combats à l'arme blanche (et bombes incendiaires et...) et le combat de ligne. L'angle d'approche est le combat perçu à hauteur d'homme dans le but peut-être de le dé-romantiser et d'en faire percevoir l'horreur et la terreur. L'auteur tente de nous faire sentir tout ce que pouvait représenter l'expérience d'un tel affrontement où se mêlaient boulets de canons (pas fiables), tirs d'arquebuses, coups de trompettes, coups de pique, etc. Il fait sentir la transition entre le moment où les bateaux avaient des chateaux avant et arrière (vous avez ces images de grosses caravelles en tête ?) et le moment où ils deviennent des plateformes d'artillerie plus ou moins standardisées.

Les chapitres passent de la description des navires, des canons, de l'organisation du navire, jusqu'à l'approche, les stratégies navales, les échanges de tirs, l'abordage, le milieu du combat, la fin du combat. C'est mené d'une façon organisée et un peu systématique, avec de nombreuses citations passionnantes (dont celles de Cervantès, dont j'avais oublié qu'il parlait si bien du combat naval).

C'est un boulot solide, intéressant, notamment pour les rôlistes (je vous vois, les gens), pour mieux raconter ce genre de moment, même si, l'auteur le dit dès l'introduction, on ne parle pas ici de pirates, parce que de toute façon les pirates sont surtout des objets de fiction. Mais, je vous rassure, le bouquin contient plein d'idées pour raconter vos abordages de pirates quand même, désolé Alex.




10 octobre 2022

Interview with the vampire - Neil Jordan


J'avais vu celui-ci à sa sortie, deux fois. J'étais fan ! Et j'en gardais un souvenir d'un film classe, avec Tom Cruise vraiment très bon. (Tom Cruise est un de ces acteurs que je n'aime pas, comme Tom Hanks, ou Depardieu, dont je suis bien obligé d'admettre qu'ils se débrouillent souvent très bien.) On a eu la drôle d'idée de vouloir montrer interview... aux enfants. Après tout, le roman a révolutionné le récit de vampires et puis c'était vraiment notre trip quand on avait la vingtaine.

Trente ans après, qu'en reste-t-il ? La photo est super belle, les costumes "très classes" (dit Rosa), c'est plutôt bien écrit (si, si), Tom Cruise est effectivement très bon, et Kirsten Dunst, épatante dans ce rôle de gamine. La relation à la petite fille vampire est l'axe le plus dérangeant et le plus effrayant de ce récit et le personnage est beau et fait peur. Je n'avais pas noté à l'époque, parce que je ne connaissais pas ces ambiances, combien ce récit est du vrai Southern gothic, avec humidité moite et marais déliquescents. Et, en fait, j'aime encore plutôt l'histoire que ça raconte, cette angoisse de gens plongés dans la nuit - la visite de Louis au cinéma, à la fin, m'a vraiment ému.

Pour ce qui est des limitations : le vampirisme comme allégorie/métaphore sexuelle, je n'y arrive plus. Je sais que c'est, en quelque sorte, à la base du genre, mais ça ne me parle plus du tout. Le film est super lourd sur cet aspect : les filles poussent des gémissements orgasmiques quand on les mord, Louis et Lestat sont un couple gay, les vampires parisiens un club de violeurs en série, la prédation vampirique s'exerce surtout sur de belles femmes avenantes... Et, en passant, le film ne passe pas le test de Bechdel.

Je ne renie pas, j'ai aimé le revoir et le moi d'il y a trente ans aimait beaucoup et ce film, et les (deux premiers) romans d'Anne Rice qu'il a lu plusieurs fois, et j'ai joué des histoires de vampires. Mais maintenant ça ne me parle plus du tout. On vieillit, c'est comme ça.

"C'était à la fois ridicule et dégoûtant. J'ai vraiment préféré Twilight", dit l'une de nos jeunes spectatrices. Argh.




05 octobre 2022

L'écluse numéro 1 -- Georges Simenon

 

Encore un vieux poche qui sent le vieux, lu entre trains et gares, entre la Suisse et la France. Très Simenon, donc.

Ca se passe en 1933, près de l'écluse de Charenton, et Maigret va prendre sa retraite, et il ne s'appelle pas Jules. (je découvre qu'il a existé plusieurs commissaires Maigret, et ça me réjouit). La description de la vie au bord des canaux, de tout le business de trafic fluvial, de l'empire commercial d'Emile "Mimile" Ducrau, tout somme très juste et très fort.

L'intrigue n'est pas fortiche, tout tourne autour du portrait psychologique d'Emile qui m'a vite gonflé : cette introspection de la virilité années 30, en fait, bof. Et trois viols dans le récit, quand même, dont deux considérés comme "normaux", beurk. 

Mais le portrait des lieux, les ambiances, Dieu quel talent !

04 octobre 2022

Maigret au Picratt's


On l'a vu, je lis des Maigret de temps en temps. Mes parents et mes grands-parents lisaient ces romans de Simenon, que je me rappelle avoir aperçu en diverses éditions durant mon enfance. Et autant ils m'ont transmis le goût du detective novel (Sherlock Holmes, Agatha Christie ou John Dickson Carr, en allant jusqu'aux élucubrations rigolotes de Harry Dickson), autant je ne me rappelle pas avoir jamais eu envie de lire Maigret. Ca m'avait l'air gris et ennuyeux.

Depuis j'ai découvert la plume de Simenon et j'essaie de ne lire Maigret que dans des vieux poches trouvés en bouquiniste (car je suis snob, ou snop, c'est selon). Simenon a un talent dingue pour brosser des ambiances, des portraits, décrire des façon de vivre, des quotidiens pluvieux. Maigret au Picratt's se passe autour d'un tout petit cabaret de Pigalle où l'on ne boit que du champagne (200 références à la carte, cinq à la cave) et où on regarde une jolie fille se déshabiller tandis qu'un petit orchestre joue un jazz quelconque. Et la jolie fille meurt, étranglée, après avoir fait une déposition bizarre au commissariat, et Maigret parcourt le quartier de long en large jusqu'à coincer le tueur.
La vie du cabaret est très bien rendue, à la fois exigue, bourgeoise, tranquille, étrange. Les personnages sonnent justes et vrais et l'intrigue marche plutôt très bien, avec un beau suspense final. J'ai vraiment beaucoup aimé, et même admiré, et même envié ce grand savoir-faire d'écrivain. Au point, en arrivant ce matin à la gare de Lausanne, de me mettre à vouloir décrire les lieux de manière simenonesque.
Mais...
TW, viol, comme on dit.
Je sais que je lis ce livre en post metoo et que je suis un mâle blanc cisgenre hétéro déconstruit. Et ce roman pique les yeux. Si Maigret est un brave type et un bon bourgeois conservateur fidèle à sa femme, on voit un des personnages présenté comme plutôt sympathique violer tranquillement ses employées dans la cuisine (si, si) avec le commissaire, relax, qui fume sa pipe dans la pièce à côté.

01 octobre 2022

Le moulin d'Andé

Ce blog parle de films, de livres, de spectacles, expos et même parfois de séries depuis une petite vingtaine d'années. J'y garde trace de mes découvertes comme de mes déceptions, comme sur une forme de journal.

Je vais y poser ce soir quelques mots sur un lieu et sur une personne qui a compté pour moi.

Le moulin d'Andé est un endroit très beau, enchanté, posé sur les bords de la Seine. Toutes sortes de merveilles y ont eu lieu : des concerts, des pièces de théâtre, des fêtes. Des cinéastes, des écrivains y sont passés, y ont vécu. Truffaut, Perec, Maurice Pons, et beaucoup d'autres.

J'ai eu la chance d'y vivre des moments très forts de ma propre vie et d'y rencontrer Suzanne Lipinska, qui avait fait de ce lieu sa vie et son oeuvre. Elle est décédée hier, à l'âge de 94 ans.




Je pourrais écrire sur le moulin et sur Suzanne. Je crois que je l'ai déjà fait, tout comme beaucoup d'autres.

Le moulin est dans chaque lieu beau et enchanté, à l'écart où les protagonistes, un instant, se reposent. Dans chaque dernière maison avant la fin du monde, tenue par une femme forte et volontaire. Il est en moi, en nous.

Merci pour tout, Suzon.