Le spectacle de Noël du petit théâtre de Lausanne est leur « grosse production » : généralement la pièce la plus ambitieuse de la saison, souvent une création locale. Nous avons vu lors des saisons précédentes nombre d’excellents spectacles présentés ainsi (l’arche part à huit heures, le dératiseur de Hamelin…)
Cette année, on nous propose une adaptation par Michel Voïta du conte classique de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont.
Disons-le tout de suite, c’est du bon boulot: scénographie inventive, acteurs doués (mention spéciale au couple de soeurs méchantes qui forment un très beau duo de comédie grinçante). C’est rare, et digne d’être noté, l’écriture de la pièce est aussi très réussie, gardant par moments des accents du XVIIIème siècle et n’hésitant pas à user d’un beau langage.
La narration est énergique et dynamique, avec ellipses bien posées (certains scènes, cliché et attendues, ne sont tout simplement pas montrées et c’est très bien) et de beaux moments: les tabourets à un pied, le Split-screen sur scène du père entrant dans le palais, les changements de robes de Belle.
On passe un bon moment de théâtre, adultes comme enfants, le spectacle est très recommandable. Sa saison est terminée au Petit théâtre, mais si jamais il tourne et est remonté ailleurs, je vous encourage à aller le voir.
Une remarque plus critique maintenant: Michel Voïta, dans son adaptation, garde l’essence du conte (c’est bien) et en dit quelque chose (c’est bien aussi) : ma théorie est qu’il fait de ce récit le portrait psychologique d’une jeune femme, tous les personnages (bête et méchantes soeurs) représentant des éléments d’un discours intérieur d’Isabelle – Belle. Et tout ça est une bonne idée qui marche plutôt bien, surtout dans la première partie.
Le personnage de Belle, toutefois, n’évolue pas de manière très heureuse: de vertueuse, positive, fantaisiste et simple au début (quand elle se balade avec ses bottes de fermière achetées à la Landi (référence suisse)), elle devient pleurnicharde dans la deuxième partie (pourquoi pas, ça reste dans le ton larmoyant du 18ème siècle) mais surtout très garce dans la fin où elle exerce sa vengeance. Dommage que cette vertu fantaisiste, incarnée par la relation (inventée pour la pièce) avec la fée-marraine ne se maintienne pas jusqu’à la fin.
Je peux comprendre d’un point de vue psychologique ce revirement « garce » de Belle, mais on perd alors la lecture 1er degré du conte, et les enfants ne s’y sont pas trompés. Elles n’ont pas aimé ce que Belle devenait à la fin.
Que ces limites, qui sont plutôt une réflexion sur la narration, ne vous éloignent pas d’un spectacle bien fait et intéressant !
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